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n’en a été diplomatiquement séparée qu’à la paix de Westphalie. Entre l’Allemagne indépendante et la Suisse allemande, il y a le lien persistant de l’affinité ethnographique et de la langue. La grande Allemagne moderne, étant à la recherche des frères allemands, ne saurait oublier ceux des rives de la Reuss, de la Limmat, du Rhin supérieur et de la Thur. Les traités qui ont constitué la république helvétique et sa neutralité perpétuelle sont les mêmes que ceux qui avaient organisé le corps germanique et la confédération de même nom. La Prusse, après les avoir déchirés par un coin, les respectera-t-elle par un autre ? Le droit de convenance qu’elle a remis en honneur, à la honte de notre temps et à la confusion du droit des gens contemporain, ne lui fournira-t-il aucun argument pour mettre la main sur une contrée qui ouvre tous les passages de l’Europe centrale ? La question importerait aussi peu à l’Angleterre que celle de la guerre de 1870, et, quant aux trois puissances directement intéressées, je doute qu’elles fussent disposées à cette heure à se concerter et à s’entendre pour opposer quelque résistance à la nouvelle prétention des Zollern. La Suisse allemande est à leur disposition.

Et la Hollande ? il n’est pas d’étudiant allemand qui ne sache que ce pays a fait aussi partie de la grande patrie allemande pendant des milliers d’années. Les comtes de Hollande étaient feudataires de l’empire. L’un d’entre eux, un Guillaume aussi, a été empereur d’Allemagne, peu glorieux, il est vrai, mais enfin il était de la famille. En 1648 seulement, la Hollande a été détachée du corps germanique. La langue hollandaise, le dütch ou nederduitsch, n’est autre que l’ancien teutsch, le vieux bas-allemand ; frère allemand, frère allemand partout ! Quant au royaume des Pays-Bas, établi en 1815 pour servir de boulevard extérieur à la confédération germanique, il remplirait bien mieux son office envers le nouvel empire allemand, s’il était directement soumis au sceptre des Zollern, ou du moins s’il était vassal de l’empire, comme les autres petits royaumes du pays. Enfin, pour ce qui concerne les états allemands laissés encore par tolérance sous le gouvernement de la maison d’Autriche, M. de Bismarck en quelques années les détachera facilement d’une monarchie devenue tout orientale par les nouveaux arrangemens de l’Europe. La maison de Lorraine y est encore l’objet d’un profond respect et d’un attachement sincère, mais la presse unitaire aidant, comme aussi les aubergistes, les brasseurs et les lettrés aux gages de la Prusse, gardienne des traditions de Frédéric II à ce sujet, ces liens seront brisés, et 11 millions d’Allemands se réuniront aux 38 millions de l’empire actuel ; la grande Allemagne, recueillant tous ses enfans, comptera ainsi de 55 à 60 millions de Germains sous une même loi, bien heureux encore si l’ancien royaume d’Arles n’est