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révolution française. Il entreprend de nous présenter l’histoire de ce temps, et il forme le dessein de la composer avec l’histoire, des hommes qui y ont joué le principal rôle. Des publications récentes, des mémoires, des correspondances lui en fournissent le moyen, et le lecteur peut espérer de trouver ici un essai d’introduire en Allemagne la méthode lumineuse et pénétrante dont le Port-Royal et le Chateaubriand de Sainte-Beuve sont des modèles accomplis. Toutefois M. Haym promet de ce côté un peu plus qu’il ne donne ; les instincts philosophiques de la nature allemande le sollicitent promptement et il y cède. La biographie, l’étude critique des caractères dans ses rapports avec le développement de l’esprit, disparaît bientôt sous la théorie plus générale et plus abstraite de la civilisation germanique durant ces années. Le livre n’en est pas moins un tableau d’ensemble, DU les groupes principaux se détachent suffisamment.

M. Haym ne serait ni de son pays ni de son temps, si les considérations politiques n’occupaient pas une place importante dans sa pensée ; il l’indique au début de son ouvrage. Le romantisme a été l’objet de violentes attaques ; on y voyait une tendance opposée aux idées modernes. Toutefois on ne l’a plus à craindre, et ce n’est pas de ce côté, par excès d’idéalisme, que l’Allemagne pèche maintenant ; on peut donc étudier le romantisme d’un esprit dégagé. Quelques-uns l’ont essayé déjà, Gervinus entre autres ; mais il n’y a guère considéré que l’école poétique. M. Haym veut s’élever à des vues plus étendues, et, suivant le mouvement dans toutes ses directions, il en montre les côtés philosophiques et religieux, Fichte, Schelling et Schleiermacher. Ce mélangé de poésie et de spéculation est le propre de l’esprit allemand. Entre Schelling et W. Schlegel, il n’y a que quelques années de distance ; tous les deux ont travaillée la même tâche : développer l’esprit national.

Le romantisme commence par la poésie : le groupe de Tieck ouvre le volume de M. Haym, la critique suit bientôt avec Schlegel ; puis vient une nouvelle efflorescence poétique : Novalis et ses imitateurs. Schleiermacher avec ses rêves de perfection religieuse, Schelling avec sa philosophie de la nature, conduisent à son terme l’évolution romantique. Telles sont les principales divisions de l’ouvrage de M. Haym. Chacune de ces étapes est marquée par de nombreuses incursions dans les alentours. Son livre sera très précieux à tous ceux qui désirent s’instruire sur ces hommes et cette époque ; on peut dire que M. Haym justifie son titre et qu’il a bien apporté son contingent à l’histoire de l’esprit allemand.


A. S.


C. BULOZ.