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esclaves, la plupart employés dans les mines, se révoltèrent et prirent la fuite. Privée de ses principaux revenus, Athènes dut renvoyer les mercenaires thraces, et fut bientôt bloquée et affamée dans ses murailles. La désastreuse expédition de Sicile avait épuisé les ressources de la république, et, après des alternatives de succès et de revers, les Athéniens finirent par succomber.

La période de calme relatif qui suivit le retour de Thrasybule dans sa patrie permit aux mineurs de reprendre leurs travaux, cependant jamais on ne vit revenir la prospérité passée : les ouvriers expérimentés avaient disparu, et les traditions, qui tiennent une place si importante dans ces sortes de travaux, étaient à peu près oubliées. Xénophon consacre un chapitre de son livre des Revenus à l’exploitation des mines du Laurium : « Bien que, dit-il, de temps immémorial on en retire le minerai, réfléchissons combien sont encore bas les déblais des collines où se produit l’argent natif. Le gisement métallique, loin d’aller en s’épuisant, s’étend chaque jour davantage ; alors même qu’on y employait le plus de bras, pas un seul homme n’a manqué d’ouvrage, c’était l’ouvrage au contraire qui excédait le nombre des ouvriers… Nous devons donc envoyer résolument aux mines une grande, quantité d’ouvriers, nous devons résolument y fouiller, certains que le minerai ne nous manquera pas, et que jamais l’argent ne perdra de son prix. L’état du reste en a jugé ainsi longtemps avant moi, car il accorde les privilèges des citoyens à tout étranger qui veut faire des fouilles dans les mines… Une chose réellement étonnante, c’est que l’état voie une foule de particuliers s’enrichir de l’état lui-même, et qu’il ne fasse pas comme eux. Ainsi, parmi ceux qui à une époque reculée se sont livrés à cette exploitation, nous savons que Nicias, fils de Niceratus[1], occupa dans les mines 1,000 ouvriers loués par lui à Sosias de Thrace, devant produire chacun, tous frais faits, une obole par jour[2]. A son tour, Hipponicus avait 600 esclaves embauchés aux mêmes conditions et qui lui rapportaient, tous frais déduits, une mine d’argent par jour[3]. 300 esclaves rapportaient à Philoménide une demi-mine, et ainsi de tant d’autres qui gagnaient en proportion de leurs mises. A l’exemple des particuliers, qui en achetant des esclaves se font un revenu perpétuel, l’état devrait en acheter aussi à son compte, jusqu’à ce que chaque Athénien en eût trois. Si donc on réunit d’abord 1,200 esclaves, on peut calculer qu’un accroissement successif au bout de cinq ou six ans n’en donnera pas moins de 6,000. Or ce

  1. Plutarque (Nicias, chap. IV) dit qu’il n’exploitait les mines qu’avec de grands dangers pour les travailleurs.
  2. Par conséquent 1,000 oboles, 150 francs.
  3. Environ 75 francs.