Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/581

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

métaphysique, les hommes adoraient le feu et rendaient un culte au soleil. Au fond des religions sémitiques comme au fond des religions indo-européennes, les principaux mythes sont des mythes solaires. Avant de chercher à deviner, on contempla, on décrivit, on chanta l’univers dans des hymnes et dans des cosmogonies dont quelques parties sont venues jusqu’à nous. Le soleil, la lune et les planètes, les montagnes, les rivières et les végétaux, l’orage, le vent, la foudre, le feu, toutes les forces de la nature furent divinisées, adorées, surtout redoutées, et devinrent pour l’homme, comme aujourd’hui encore pour certaines races inférieures, des créatures douées de vie, de sentiment et d’intelligence. De plus, ce qui naît, se développe, et n’arrive à la maturité que pour décroître et mourir, la terre et ses productions par exemple, fut regardé comme dépendant de ce qui subsiste éternellement, sans altération ni vieillesse, comme le ciel et les astres. On distingua donc dans la nature une cause active et une cause passive, et la divinité, d’après une analogie tout humaine, fut conçue comme mâle et femelle. Ainsi chez les Sémites Baal et Baalath, la force active qui crée, conserve et détruit, la force passive qui conçoit, engendre et enfante. Le symbole de la puissance créatrice de la nature fut universellement représenté dans les sanctuaires et sur les monumens religieux par les organes de la génération. L’unité fondamentale des deux genres de la divinité fit souvent passer les attributs de la divinité mâle à la divinité femelle, et réciproquement : de là les divinités hermaphrodites ou androgynes de la Syrie et de la Phénicie. Parfois même, comme dans le temple d’Hiérapolis, un troisième être symbolisait l’unité des deux.


I

C’est du nord de l’Assyrie, du pays actuel des Kourdes, que vinrent les tribus de Sémites nomades qui, sans doute poussées par quelque invasion, passèrent l’Euphrate et se dirigèrent du nord-est au sud-ouest vers le pays de Chanaan. Les Hammonites, les Moabites, les Édomites, avaient précédé ceux qu’on devait appeler les Beni-Heber ou Hébreux. Partis d’Our, la grande ville des Chaldéens, située près du premier confluent du Tigre et de l’Euphrate, ceux-ci avaient été conduits d’abord par Térah dans la ville de Harrân, puis par Abram, fils de Térah, au-delà du fleuve, et à travers la Syrie jusque dans la terre de Chanaan. Les habitans de ce pays étaient des Sémites au même titre que les tribus qui venaient « d’au-delà » de l’Euphrate. L’intime parenté des Chaldéens et de ces nomades est prouvée par l’identité du langage et de la religion.