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reproduit fort exactement l’épithète de Mulidit, « la génératrice, » que portait la grande déesse nature de l’Assyrie, Bélit, mère de tous les dieux et de tous les êtres. Considérée comme Mulidit, Bélit était confondue dans la religion de Babylone avec Zarpanit ou Zir banit, « la productrice des germes, » associée comme épouse à Bel Marduk. Sur les cylindres babyloniens, Zarpanit est représentée nue, toujours de face, les deux mains sur la poitrine. Cette déesse, à qui étaient consacrées les « tentes des filles » en Babylonie, est aussi invoquée comme présidant aux enfantemens, et son attribution de Lucine l’a même fait identifier avec Héra par Diodore de Sicile. Dans l’inscription découverte à Babylone parmi les ruines du temple de la déesse, on lit une prière, traduite par M. Oppert, qui confirme pleinement ce caractère. On a retrouvé dans la même inscription le singulier du mot qui sert à désigner dans la Bible les « tentes » dont nous parlons. Le sanctuaire de Zarpanit était une sorte de karavanséraï, un grand bâtiment muni de cellules. Des cellules du même genre, servant au même usage, existaient à Jérusalem, dans le temple même de Jahveh, où Aschera avait son symbole et était adorée. « Il (Josias) démolit les maisons des prostitués. qui étaient dans le temple de Jahveh, où les femmes tissaient des tentes pour Aschera[1]. »

On le voit, les prostitués étaient des deux sexes. Les hommes étaient appelés kedeschim, les femmes kedeschoth, c’est-à-dire « saints, voués, consacrés. » Le Deutéronome atteste que les uns et les autres apportaient au trésor du temple de Jahveh le produit de leur prostitution. Voilà ce qui payait en partie les frais du culte à Jérusalem, comme à Byblos, à Carthage, à Paphos, à Hiérapolis. Ces frais devaient être immenses, si l’on en juge par le caractère somptueux des cérémonies religieuses, et par le nombre presque infini des prêtres de tout rang et des hiérodules des deux sexes. A Comana de Cappadoce, Strabon n’en vit pas moins de six mille. En Arménie et dans les pays voisins, où le culte d’Anaïtis, l’Anat babylonienne, l’épouse d’Anu, montant vers le nord avec l’influence de la civilisation chaldéo-assyrienne, avait pris un développement aussi considérable qu’à Comana de Cappadoce, à Comana du Pont et à Zéla, la déesse possédait autour de son temple un vaste territoire, cultivé par de nombreux esclaves de l’un et de l’autre sexe, en qualité de hiérodules ou de serfs de la déesse. Le culte d’Anaïtis était accompagné de prostitutions sacrées pareilles à celles de Babylone.

On comptait différentes classes de prêtres. Au sommet de la

  1. II Reg, XXIII, 7.