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compliquées qui semblaient réservées à l’adroite main de la femme ; c’est ainsi que les tulles et les imitations de dentelles se font maintenant à la vapeur. Les plus récens et les plus importans progrès de la mécanique dans le domaine du travail des femmes sont ceux qui s’appliquent à la couture. Il y avait dès 1862 à Dublin un assez grand nombre d’ateliers de couture automatique, dont chacun employait de 200 à 300 femmes. A Paris, il s’est constitué de vastes usines où plusieurs milliers d’ouvrières sont occupées à coudre à la vapeur. La cordonnerie a subi une transformation du même genre par l’invention des chaussures à vis. Il n’est pas jusqu’aux articles de Paris qui n’aient une tendance, par suite de l’extension de la machine à coudre, à se soumettre au régime du travail en atelier. On fabrique maintenant dans des usines les albums photographiques, les portefeuilles et les porte-monnaie. Presque toutes les occupations des femmes se rattachant plus ou moins directement à la couture, on peut dire que le travail aggloméré est sur le point de devenir la règle pour les ouvrières, et le travail isolé l’exception.

Il ne faudrait pas croire que les industries textiles et les travaux légers de la main soient les seules branches ouvertes à l’activité des femmes dans notre siècle. A la faveur du progrès mécanique, elles ont envahi bien d’autres industries, et dans quelques-unes il est vrai de dire qu’elles se sont substituées aux hommes. Une enquête anglaise déjà vieille, puisqu’elle date de 1843, fournit de très intéressans détails sur l’emploi des jeunes filles dans les usines où l’on travaille le fer. Les femmes y figurent en très grand nombre parfois dans les travaux qui demandent de la force ; elles étaient plus nombreuses que les hommes dans les manufactures de vis et d’écrous. L’enquête cite une manufacture de vis qui, sur un personnel de 360 ouvriers, comprenait 300 femmes, et une autre usine du même genre qui employait 102 femmes contre 30 hommes. Le rapporteur va même jusqu’à prétendre que la main-d’œuvre féminine entre pour 80 ou 90 pour 100 dans l’effectif ouvrier ; ce sont généralement de fort jeunes filles, qui commencent leur apprentissage entre treize et seize ans. Les manufactures de boutons métalliques ne font pas une moindre place aux femmes. A Wolverhampton, elles sont employées dans les manufactures de clous. Un industriel, déposant dans l’enquête de 1843, disait que les femmes font les clous aussi bien que les hommes, et que quelques-unes sont même merveilleusement douées pour ce travail. A Warrington, dans une manufacture d’épingles, on trouvait plus d’ouvrières que d’ouvrière, soit 180 filles contre 141 garçons au-dessous de treize ans, et 130 jeunes femmes contre 50 jeunes gens de treize à dix-huit ans. En général, la fabrication des épingles dans l’ouest de