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patron a le droit d’accès ou de contrôle. » On voit qu’il ne s’agit plus ici de manufactures, et que ces termes comprennent tout, sauf le seul foyer domestique : ces définitions une fois faites, l’acte défend l’emploi d’enfans au-dessous de huit ans ; il limite à six heures et demie la journée des enfans de huit à treize ans, encore leur travail ne peut-il avoir lieu que de six heures du matin à huit heures du soir ; les jeunes gens et les femmes ne peuvent être occupés chaque jour que douze heures, dont il faut déduire une heure et demie pour le repas, ce qui réduit le travail effectif à dix heures et demie ; enfin les enfans, les adolescens, les femmes, ne doivent être employées à aucun métier la journée du dimanche ou le samedi après deux heures de l’après-midi, « si ce n’est dans les établissemens qui n’occupent pas plus de cinq personnes et où le travail consiste uniquement à faire des articles destinés à être vendus en détail sur le lieu même ou à réparer des articles de même nature. » Telles sont les dispositions du Workshops régulation act 1867. C’est la loi la plus hardie qui ait jamais été faite par un gouvernement moderne pour régler l’organisation du travail industriel.

La France doit-elle se déclarer sur ce point l’émule de l’Angleterre et lui emprunter en totalité ou en partie ces mesures minutieuses et restrictives ? Nous devons faire remarquer tout d’abord que, sans prendre directement en main les intérêts du sexe faible, le législateur français ne s’est pas complètement abstenu d’intervenir dans le régime industriel en qualité de protecteur impartial du personnel ouvrier. Par la loi du 9 septembre 1848, l’assemblée nationale a limité à douze heures effectives la journée de travail dans les usines. Faut-il aller plus loin et se montrer plus sévère ou plus humain ? La prudence et les nécessités économiques exigent qu’on ne s’aventure pas sans de grandes précautions dans des réformes toujours périlleuses. La loi de 1848 nous semble susceptible néanmoins de développemens qui, sans être excessifs, sauvegarderont avec plus d’efficacité la santé et la moralité des ouvrières. La question a été étudiée à bien des reprises, l’on peut même dire qu’elle a été tranchée par l’avis unanime des hommes les plus compétens et des manufacturiers les plus considérables. En 1847, la chambre des pairs, s’occupant de réviser la loi sur le travail des enfans dans les usines, proposait d’appliquer aux filles et aux femmes, quel que fût leur âge, toutes les dispositions qui seraient édictées en faveur des adolescens de douze à seize ans, c’est-à-dire qu’on ne pourrait les employer dans les manufactures au-delà de douze heures par jour, et que pour elles tout travail de nuit serait interdit. On a vu que l’assemblée constituante de 1848 avait étendu à tout le personnel ouvrier sans exception le bénéfice de la limite de douze heures ; mais la clause qui prohibait le travail