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de nuit pour les femmes a fait naufrage, ne mérite-t-elle pas d’être reprise ? En 1849, la société industrielle de Mulhouse attirait sur ce point l’attention du gouvernement. En 1851, M. Mimerel, de Roubaix, présentait au conseil-général du Nord un remarquable rapport dans le même sens. Dans l’enquête sur l’enseignement professionnel, M. Bourcart, de Guebwiller, allait même beaucoup plus loin ; il n’hésitait pas à déclarer que seuls les hommes occupés dans les ateliers de construction peuvent supporter impunément un travail journalier de douze heures, il faisait des vœux pour qu’une loi défendît d’employer les femmes plus de dix ou de onze heures par jour ; il demandait enfin la suppression du travail pendant l’après-midi du samedi : c’était en un mot l’introduction en France des lois et règlemens d’Angleterre que réclamait le grand industriel alsacien. Sans aller aussi loin que M. Bourcart, on pourrait se contenter de la durée légale de douze heures pour le travail dans les manufactures à la condition que la loi soit sévèrement observée ; en revanche, il faudrait insister sur la nécessité d’interdire par une loi le travail de nuit pour les femmes.

Il y aurait lieu encore de faire d’autres réformes de détail. La sphère où s’exerce la loi est trop restreinte et mal déterminée : une foule d’ateliers, dont quelques-uns sont d’une certaine importance, échappent à l’application des règlemens, parce que la définition qui a été faite du mot de « manufacture » est infiniment trop vague. Sans prétendre introduire sur notre sol les dispositions du Workshops régulation act, au moins doit-on prendre soin que tous les ateliers qui occupent en permanence un certain nombre d’ouvriers soient soumis à l’action de la loi. Jusqu’ici, ce sont seulement les grandes usines qui ont été assujetties aux prescriptions légales ; les petites y ont échappé.

Ainsi l’interdiction du travail de nuit pour les femmes, l’application sérieuse de la limite de douze heures pour la journée, l’extension de ces mesures à tous les ateliers occupant plus de dix personnes, alors même qu’ils n’emploieraient pas de moteurs hydrauliques ou à vapeur, voilà les principales réformes que nous n’hésitons pas à recommander. En adoptant ces dispositions, on restera bien en-deçà de la réglementation britannique. Quant aux autres mesures que le parlement anglais a édictées pour exiger certaines précautions sanitaires dans les manufactures où l’on emploie des femmes, elles méritent d’être sérieusement étudiées par le législateur ; il n’y a aucun doute qu’on ne puisse en introduire quelques-unes dans les lois et les règlemens de notre pays. La commission de l’assemblée nationale sur le travail des enfans devra entrer dans tous ces détails. Que cette commission fasse une loi sérieuse et pratique sur le travail des jeunes gens occupés dans les manufactures et sur