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la disposition des ouvrières des fourneaux économiques où elles préparent elles-mêmes leurs alimens. Les jeunes filles sont ainsi mieux initiées à l’économie domestique et préparées à tenir elles-mêmes leur ménage ; leurs relations avec leur famille sont fréquentes : elles passent tous les dimanches chez leurs parens. La durée du travail est moins grande à la Séauve qu’à Jujurieux ; l’on profite des heures libres pour donner quelque instruction scolaire et pour enseigner les travaux d’aiguille. La manufacture de rubans de velours, aux Mazeaux, est la reproduction du type précédent avec cette seule différence, que les ateliers sont dirigés, non plus par des religieuses, mais par des contre-maîtresses ourdisseuses et dévideuses. Les filatures et dévidages du Dauphiné ont une organisation plus libre ; à Vizille, autour de spacieux ateliers de décreusage, de carderie, de filature de déchets de soie, de moulinage et de tissage, l’on trouve des dortoirs et des réfectoires destinés à 300 jeunes filles internes ; en outre, de nombreuses habitations sont aménagées sur le modèle de Mulhouse pour contenir 400 ouvrières et 200 ouvriers ; le tout forme une véritable petite ville, ayant son éclairage au gaz et sa télégraphie. Des religieuses sont préposées aux soins des dortoirs et des réfectoires, mais elles ne jouent aucun rôle dans les ateliers. Le travail est suspendu le samedi dans l’après-midi pour que les élèves puissent rentrer de bonne heure dans leur famille et y passer le dimanche. Tels sont en France les principaux modèles de manufactures-internats. Tous ne sont pas également parfaits, la critique peut trouver bien des détails à reprendre ; c’est néanmoins une pensée consolante que celle des services rendus par ces institutions à près de 40,000 jeunes filles qui y grandissent modestement et efficacement en force de caractère, en habileté professionnelle, et qui s’y préparent des ressources pécuniaires ainsi qu’un fonds de résistance morale pour subvenir aux devoirs ultérieurs de la vie. C’est surtout dans l’industrie de la soie que ces manufactures-internats se sont acclimatées ; on en trouve pourtant quelques-unes dans d’autres branches de production. La papeterie de Vidalon-lès-Annonay, dans l’Ardèche, est un excellent modèle de cette organisation du travail. On voit dans cet établissement deux internats, l’un de filles, l’autre de garçons ; le premier comprend 150 jeunes filles, admises après leur première communion et employées aux travaux de satinage, glaçage, collage, pliage et réglure : elles sont réparties en chambrées de trois à six lits, sous l’autorité de contre-maîtresses ; l’alimentation est laissée au compte des ouvrières, qui ont à préparer elles-mêmes leurs repas. On peut encore citer dans ce genre la papeterie du Pont-de-Claix (Isère), celle de Blacons (Drôme), et celle de Fontenay (Côte-d’Or).

L’Allemagne, l’Angleterre et la Suisse présentent aussi quelques