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rapprocher, à l’aide des résumés généraux, les comptes ainsi vérifiés du compte général imprimé, et prononcer la conformité de tous ces résultats. On espérait par ce moyen donner à la gestion des matières les mêmes garanties et la même certitude qu’à la gestion des deniers.

La loi de 1843 n’avait eu pour objet que de poser le principe ; l’ordonnance royale du 6 août 1844 renferma des dispositions plus précises. Elle déclara notamment que les matières devant figurer dans la nouvelle comptabilité étaient seulement les matières de consommation et de transformation. Pour les autres, il n’était rien changé à l’ancien état des choses ; les valeurs mobilières permanentes garnissant les hôtels, casernes et autres édifices, ainsi que les machines, ustensiles et outils, continuèrent à demeurer sous la simple surveillance administrative. Cette division du matériel en deux catégories ne devait pas être dans la pratique aussi simple qu’elle le paraissait dans le texte de l’ordonnance : elle devait donner naissance à une certaine confusion et à d’assez nombreux embarras ; de plus elle enlevait à la cour des comptes le contrôle de valeurs considérables.

L’exécution de la loi de 1843 et de l’ordonnance de 1844 fut d’ailleurs hérissée de difficultés. La nature même de la comptabilité-matières opposait à l’œuvre d’organisation les plus sérieux obstacles ; un des principaux était certainement la multiplicité des unités sur lesquelles on devait opérer. Dans la comptabilité en deniers, toutes les opérations de recette et de dépense s’effectuent sur une seule unité, et se traduisent par une seule expression, le franc. Ce qu’on a reçu, ce qu’on a dépensé, ce qui reste peut dès lors se résumer en une seule ligne. Il est loin d’en être ainsi dans la comptabilité du matériel ; chaque genre, chaque forme, chaque qualité de la matière représente une unité particulière, et exige un compte ou tout au moins une ligne de compte distincte. Il est facile de juger des développemens que peut prendre une pareille comptabilité. Pour ne citer qu’un exemple, le clou, le nombre des différentes espèces employées dans la marine est de 382 ; une autre matière non moins commune, la vis, compte 280 variétés. Cependant la vis et le clou, qui renferment tant d’unités, ne sont eux-mêmes qu’une unité presque perdue au milieu de toutes celles qui composent le matériel de l’état.

Tant que la comptabilité-matières fut renfermée dans l’enceinte de l’atelier et du magasin spécial, elle parvint à surmonter les inconvéniens de ces unités multiples. Circonscrite dans un nombre défini de matières, elle put indiquer sans trop d’embarras, par espèces détaillées, les entrées et les sorties ; mais après la loi de