Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sérieuse et décidée, une majorité nationale et patriotique. C’est une utopie, disent les savans praticiens des partis. Oui, c’est une utopie quand chacun veut suivre ses fantaisies. Ce n’est pas plus une utopie qu’une politique d’arrière-pensée, de réticence et de morcellement qui ne conduit à rien, ou plutôt qui aboutit infailliblement à la confusion. Supposez que cette majorité existe, comme elle peut réellement exister avec les élémens qui sont dans l’assemblée, est-ce que ce n’est pas la plus efficace garantie de sécurité ? Est-ce que le pays ne se sent pas immédiatement rassuré contre toutes les crises par cette force de gouvernement qui est toujours là, qui ne laisse place à aucun interrègne, qui est la souveraineté nationale vivante et agissante ? Et de plus, en vérité, c’est pour l’assemblée le meilleur moyen de donner à ses rapports avec le gouvernement le caractère de fermeté et de suite qu’ils doivent avoir, de mettre ces rapports à l’abri des mobilités et des surprises. C’est la condition de son existence et de son autorité. C’est à ce prix seulement qu’elle peut exercer une action sérieuse et décisive, avoir une politique. Sans doute les derniers incidens ont laissé un peu partout un certain désarroi momentané et n’ont pas simplifié la situation. Ils ont créé pour un instant un certain état d’expectative et d’observation. Ce qu’il y a de mieux c’est de ne pas s’attarder dans ces indécisions, de se remettre à l’œuvre, de se replacer au plus vite sur le terrain, où, pour l’assemblée et le gouvernement ralliés dans une pensée commune, il ne reste que le bien public, les intérêts les plus immédiats du pays, les affaires de toute sorte qui rapprochent les volontés et les esprits.

Quel intérêt plus sérieux, plus impérieux aujourd’hui et mieux fait pour rapprocher toutes les opinions sincères que la libération de la France ? On dirait qu’au lendemain de la crise que nous venons de traverser et comme pour secouer les mauvaises impressions, toutes les pensées se portent sur ce point et se mettent à la recherche d’un moyen pour atteindre ce grand but que tout le monde poursuit. Il y a comme un effort public et universel pour revenir à cette préoccupation unique, devant laquelle s’effacent toutes les considérations secondaires et disparaissent toutes les divisions. Sans doute cet intérêt n’était point oublié, il se retrouvait après tout jusque dans ces discussions financières qui, depuis trois semaines, ont agité les esprits, en mettant aux prises tous les systèmes en allant jusqu’à troubler les rapports de l’assemblée et du gouvernement. De quoi était-il question en effet ? Il s’agissait de rétablir la situation financière de la France, de rasseoir son crédit par la garantie des ressources nouvelles, et de la mettre en mesure d’aborder enfin le grand problème, de procéder aux grandes opérations nécessaires pour la délivrance du territoire par l’acquittement de l’indemnité qui pèse encore sur nous. En réalité, il ne s’agissait point d’autre chose. Le malheur a été peut-être qu’on a pris la question par ce qu’on pourrait appeler les petits côtés ; on est descendu dans les minuties, on s’est jeté