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habitent les mansardes des villes d’industrie et aussi les manouvriers des champs ? Un morceau de pain, du lait, du fromage, quelques légumes, quelques fruits, parfois un peu de salaisons cuites sur le poêle, voilà leurs repas habituels. Une soupe chaude, c’est déjà un régal ; un peu de viande, c’est le luxe des grands jours. M. Godin n’a pas accepté ce régime pour ses hôtes. Pour la cuisine, comme pour le reste, il a ouvert des ateliers communs où l’ouvrier et sa femme trouvent, s’ils le préfèrent, des alimens tout préparés, des bouillons, des viandes cuites, des ragoûts, des légumes. Ils ont le choix, font la carte à leur fantaisie. Aiment-ils mieux préparer eux-mêmes leur repas ? La halle est à portée, toujours bien pourvue, et dans des caves bien tenues la bière et le vin.

Tirer bon parti de l’argent, ce ne serait qu’un premier pas de fait, si en même temps on ne mettait largement à profit ce que donne la nature, c’est-à-dire les trois grands auxiliaires de la santé de l’homme, l’air, l’eau et la lumière. Au familistère la ventilation des bâtimens a été obtenue par de vastes ouvertures souterraines, qui, ménagées au nord, dans les jardins, traversent le sous-sol et, au moyen d’ouvreaux placés de distance en distance, laissent échapper l’air à travers des grilles en fonte, de manière à le rafraîchir en été et à le tempérer en hiver. Dans les grands froids, ces ouvertures sont fermées par des portes qui interceptent le courant. L’effet de cette combinaison est de maintenir dans l’intérieur des bâtimens une température sinon égale, du moins préservée de tout excès. Un autre résultat dont M. Godin se loue, c’est l’absence d’insectes. A peine l’écurie, a-t-elle amené quelques mouches, et les puces, que des familles négligentes avaient introduites dans un petit nombre de logemens, ont disparu au moyen d’un mélange de coaltar ou de goudron de gaz dans de la sciure de bois. Le second auxiliaire, c’est l’eau, qui n’a pas au familistère un moindre emploi que l’air. M. Godin la fait arriver, pure et fraîche, dans tous les étages de ses constructions. Pour l’obtenir ainsi, il a fallu aller la chercher au-dessous des terrains d’alluvion, forer une première couche calcaire, puis au-dessous de l’argile, une seconde couche calcaire, d’où elle a jailli. Un générateur et une petite machine à vapeur la prennent dans les puits pour la distribuer au gré des besoins. Partout des robinets, partout des fontaines, partout des appareils qui permettent, par la simple pression des réservoirs, de projeter l’eau, à l’aide d’une lance, dans toutes les directions. Dans ces conditions, la consommation moyenne de l’eau est de 20 litres par jour et par personne. Il y a en outre les eaux chaudes, qui au sortir des condensateurs sont employées pour les bains, pour le lavage du linge et l’arrosage des jardins. Pour cela, une buanderie commune a été installée avec soixante baquets pour les ménages, des bassins en