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de lui ; les familles n’en font pas les frais, c’est sur les revenus de l’industrie qu’on les prélève. M. Godin avait d’ailleurs ici un motif pour tenir à ce que ces services de l’éducation et de l’instruction populaires restassent sous sa main. Charles Fourier en avait fait le pivot principal de ses théories. A diverses reprises, dans des accès d’humeur, il avait déclaré qu’expérience faite, il n’y avait plus à compter sur les parens, tous incorrigibles, et qu’il fallait se retourner du côté des enfans, intelligences plus malléables et plus susceptibles d’heureuses façons. Le premier point pour cela était d’arracher ces petits vauriens à leur vagabondage et de les sortir de leurs guenilles. Le familistère se chargeait de cette besogne : en quelques jours il les rendait présentables ; on lui livrait un garçon nu-pieds, en chemise et couvert de boue, il en faisait un enfant propre et bien vêtu. L’habit du dimanche devenait l’habit de tous les jours, et pour les dimanches on renouvelait la toilette. Une fois mieux couvert, il avait plus de goût à s’instruire ; c’est un effet bien connu et toujours vérifié.

D’ailleurs ici encore les locaux réunissaient toutes les convenances. En quelques pas, par des chaussées toujours propres, l’enfant va de son logis à l’école ; il y arrive, il en sort sans une tache ni une ordure à ses vêtemens ; une bonne tenue devient pour lui une habitude, il rougirait de se voir comme autrefois sordide et débraillé. Dans les salles d’étude, il retrouve le même ordre, le même soin, le même entretien. Suivant son âge, son degré d’instruction, il prend son rang dans la classe qui lui est assignée. Au familistère il y a sept classes, évidemment empruntées aux théories de Fourier : 1° la nourricerie jusqu’à l’âge de vingt-huit mois ; 2° le pouponnat, catégorie, dit le programme, de petits bambins, depuis les enfans sachant marcher et se tenir propres jusqu’à ceux de l’âge de quatre ans ; 3° le bambinat, catégorie des enfans de l’âge de quatre à six ans, puis successivement la petite école ou troisième classe de l’enseignement, élèves de six à huit ans, — la seconde école ou deuxième classe de l’enseignement, élèves de huit à dix ans, — la première école ou première classe de l’enseignement, élèves de dix à treize ans, les cours supérieurs, catégories hors classes, élèves dont l’intelligence s’est montrée hors ligne, enfin l’apprentissage, qui s’ouvre à l’enfant dans les ateliers mêmes et pour toutes les variétés d’emploi qu’ils renferment. Ce sont là des divisions qui n’appartiennent ni aux programmes universitaires, ni aux programmes congréganistes, et qui, relevant de la fantaisie, méritaient une mention ; il y a surtout, pour les catégories du bas âge, des noms d’un genre récréatif auxquels la population du lieu doit avoir eu quelque peine à s’accoutumer.