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Galicie porte encore dans les actes du gouvernement autrichien ce titre de royaume. Toutefois le Rurikovitch ne s’était soumis volontairement ni au kha-khan ni au pape ; il voulait se servir de celui-ci pour tenir tête à celui-là et pour rejeter les Mongols en Asie. En bons termes avec ses voisins catholiques, les rois de Pologne et de Hongrie, vainqueur des Lithuaniens, il fortifia ses villes et prit l’attitude d’un vassal décidé à recouvrer son indépendance. Il ne tarda pas à voir que, malgré les promesses des représentans du pape, il n’avait rien à attendre de Rome. Dès qu’il s’aperçut que la papauté était impuissante dans l’Europe orientale, il cessa de se croire obligé à persévérer dans son changement de religion. Aussi, dès 1257, le pape Alexandre IV lui écrivait : « Vous avez oublié les bienfaits spirituels et temporels de l’église, qui vous a couronné et sacré ; vous n’avez pas rempli vos promesses : un sincère repentir et un prompt retour vers le chemin de la vérité peuvent seuls arrêter votre perte ; l’interdiction de l’église et le bras séculier sont prêts à vous punir de votre ingratitude. » Daniel ne tint aucun compte de ces menaces, quoique « le bras séculier, » — les malheurs des albigeois l’avaient déjà prouvé, — ne fût pas une abstraction théologique. Innocent ne réussit pas mieux avec saint Alexandre Nevsky, que les Mongols avaient reconnu comme prince de Vladimir. Dans une lettre qui fut remise au héros de la Neva par deux cardinaux, Innocent soutenait que son père, le grand-prince Iaroslav, pendant qu’il était à la cour du kha-khan, avait, sur l’avis de ses boyards, affirmé à Jean du Plan de Carpin qu’après son retour en Russie il comptait se soumettre, lui et son peuple, à l’église romaine. Innocent sommait Alexandre d’accomplir la promesse dont la mort de son père avait empêché la réalisation. Le prince russe n’attacha aucune importance à une assertion absolument invraisemblable, car le légat, obligé d’avouer son peu de succès auprès de Kuyûk, n’aurait certainement pas passé sous silence la conversion du veliki kniaz. Cependant Alexandre, se conformant aux anciennes coutumes qui ne permettaient guère aux princes d’agir isolément, convoqua les hommes qu’il jugeait capable d’examiner l’affaire, et, après avoir pris leur avis, il répondit au pape : « Nous suivons la vraie doctrine de l’église, et nous ne voulons ni connaître la vôtre, ni l’adopter. »

Si, dans l’état de ruine où se trouvaient les chrétiens après la conquête, ils parlaient aux envoyés des papes un pareil langage, on peut se figurer quelle était la manière de voir de leurs farouches vainqueurs. Ainsi que les Huns et les Magyars, les Mongols considéraient leurs victoires comme le signe le plus incontestable d’une protection spéciale de la Divinité. Kuyûk khan, dans sa réponse au