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nécessité absolue et de manière à ne point déranger l’équilibre des combinaisons financières qui avaient servi de base aux concessions primitives. C’était là une garantie suffisante, et les capitaux se sont engagés. Plus tard, lorsque le gouvernement opéra la fusion des entreprises, lorsqu’il organisa les grandes compagnies, il leur imposa la création d’un second, puis d’un troisième réseau, composé de lignes dont le produit ne pouvait être rémunérateur et qui exigeaient l’allocation de subventions et de garanties d’intérêt. Comment a-t-on procédé ? Le gouvernement a fait le compte des bénéfices que produisait l’exploitation de l’ancien réseau, et, selon le chiffre de ces bénéfices, il a exigé des compagnies plus ou moins de nouvelles lignes, accordé plus ou moins de subventions. Il a imposé à chaque compagnie la charge qu’elle pouvait porter en lui laissant au moins par approximation un revenu suffisant, d’une part pour servir le capital déjà souscrit, d’autre part pour obtenir le crédit d’un capital supplémentaire. C’est ainsi, sur la foi des conventions, de la loyauté du gouvernement, de son intelligence, de son bon sens, que les compagnies ont cherché et trouvé les ressources à l’aide desquelles les nouveaux réseaux ont été construits. Les milliards représentés par des obligations de chemins de fer reposent sur cette garantie. Seraient-ils venus, si l’on avait pu supposer que l’état diminuerait un jour la valeur du gage primitif en bouleversant par l’approbation d’une concurrence, c’est-à-dire par une atteinte certaine portée aux recettes, les produits de l’exploitation ? Il est permis de critiquer les traités antérieurs, de blâmer les complications et l’enchevêtrement d’intérêts qui en résultent, et de se rallier ainsi aux doctrines que M. Raudot voudrait faire prévaloir pour l’avenir ; mais ce qui n’est pas admissible, c’est que l’on altère l’esprit des contrats qui ont été conclus dans le passé. Il y a là une question de bonne foi et d’honnêteté publique.

Comment ! des entreprises se sont chargées, d’accord avec l’état, d’organiser un service de voies ferrées qui comprend de nombreuses lignes s’exploitant les unes avec bénéfice, les autres à perte ; elles ont posé les premiers jalons, supporté les frais des études et des essais, créé les courans commerciaux et développé le trafic sur un vaste parcours. Puis, quand le sol est ainsi défriché, il se présente d’autres entrepreneurs qui, par un choix très intelligent, demandent à s’installer sur les bonnes terres et à prendre leur part de la récolte ! On dit qu’ils ne réclament aucune subvention, et qu’ils offrent au public des réductions de tarifs. Rien de plus simple ; en n’exploitant qu’une ligne, la meilleure de toutes, ils n’auraient pas à compenser les pertes de la mauvaise portion du réseau. Si les compagnies n’avaient pas à leur charge plusieurs lignes improductives, il leur serait facile d’abaisser encore les tarifs. Ce sont les