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l’influence de ces deux faits, augmentation de dépenses et diminution de recettes, on comprend que le tarif est moins réductible dans l’état de concurrence. Une seconde ligne est nécessaire, coûte que coûte, quand la première est devenue insuffisante ; la concurrence produit son action lorsqu’il s’agit d’une industrie libre. Dans le cas présent, les rails établis entre Calais et Marseille peuvent satisfaire pour longtemps encore aux augmentations de trafic ; l’industrie des chemins de fer est régie par des contrats spéciaux qui, en lui imposant un maximum de tarif et toutes les conditions utiles au public, ne lui permettent pas d’abuser de ce que l’on appelle à tort son monopole, et qui lui laissent toute latitude pour abaisser les prix au fur et à mesure de l’accroissement des transports.

Les enquêtes anglaises contiennent les renseignemens les plus instructifs sur la concurrence en matière de chemins de fer et de canaux. Les voies ferrées se sont établies presque librement sur le sol de la Grande-Bretagne, à la faveur d’une loi de 1844 proposée par Robert Peel. La concurrence a été sans frein entre les canaux et les chemins de fer, et ces derniers ont lutté les uns contre les autres. De cette abondance de lignes, dont une partie était superflue, il est résulté d’abord un effroyable gaspillage de capital et une série de crises financières dont la Bourse de Londres garde le souvenir. Les baisses de tarifs suivies de brusques relèvemens ont plus d’une fois jeté la perturbation dans l’industrie de plusieurs régions. L’histoire économique des chemins de fer anglais est pleine de désordres et de ruines ; mais les folies du capital ne sont jamais que passagères. Après avoir chèrement payé son hommage à la liberté des transports, le capital a reconnu qu’il faisait un métier de dupe, et il a cherché à étouffer la concurrence. Les compagnies ont commencé par s’adresser aux canaux, qui ont, pour l’Angleterre et l’Ecosse, un parcours de 6,500 kilomètres. Elles ont acheté les uns, affermé les autres ou passé des conventions qui mettaient fin à la lutte. On s’est plaint vivement en France de voir entre les mains de la compagnie du Midi le canal latéral à la Garonne. Que dirait-on de toutes les combinaisons par lesquelles les compagnies anglaises se sont peu à peu rendues maîtresses d’une grande partie des voies navigables ? Il en est qui ont installé leurs rails dans le lit même de l’ancien canal, moyen pratique et infaillible pour tarir la concurrence. En même temps qu’elles désarmaient leur commun adversaire, les compagnies, lasses de se faire la guerre, se rapprochaient et contractaient des unions, des amalgames (amalgamations), qui par le fait n’étaient autre chose que des coalitions de tarif ; elles sont maintenant en plein dans cette voie. Le Times, rendant compte d’une fusion projetée entre deux grandes