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rencontrer à la frontière les voies ferrées des autres pays dans l’intérêt du trafic international ou pour satisfaire à des nécessités stratégiques. Ensuite on entra dans le système des embranchemens suivant un programme qui consistait à fournir autant que possible un parcours de chemin de fer à chaque département, et à placer des gares dans les chefs-lieux de préfecture et de sous-préfecture. Le sentiment d’équité, les exigences politiques, les convenances administratives, recommandaient cette extension graduelle et la répartition symétrique des voies ferrées ; mais, pour obtenir ces premiers résultats, il avait fallu dépenser de très fortes sommes, et l’on observait que, plus on multipliait les embranchemens, plus on devait faire de sacrifices qui demeuraient en définitive à la charge du trésor. Ces embranchemens, plongeant dans des régions accidentées, étaient très coûteux à établir, et l’exploitation se soldait par de fortes pertes. Le gouvernement jugea que le moment approchait où la continuation de ces grands travaux deviendrait presque impossible, cependant il était constamment assailli de nouvelles demandes ; chaque année, lors de la discussion du budget, il y avait à la tribune législative un défilé de députés qui venaient exposer avec énergie les vœux ou les griefs de leur département. Dès 1861, l’administration fit étudier des combinaisons moins dispendieuses, et elle envoya des ingénieurs en Écosse, où, depuis plusieurs années, le génie industrieux et essentiellement économe des habitans de ce pays avait établi des chemins de fer sur des parcours que dédaignaient les grandes compagnies. MM. Lan et Bergeron, chargés de cette mission, virent en effet des lignes courtes, construites au prix de 70,000 à 110,000 fr. le kilomètre, s’exploitant de la manière la plus simple, et pouvant, avec de très faibles recettes, couvrir leurs frais. L’expérience avait réussi, l’idée était pratique, et nous devions en faire notre profit. Déjà au surplus quelques-uns de nos départemens les plus riches et les plus avancés, et à leur tête ceux de l’Alsace, avaient exécuté ou projeté l’établissement de petites lignes en leur appliquant, par une interprétation peut-être abusive que l’administration ne voulut point contrarier, la loi de 1836 sur les chemins vicinaux. Il s’agissait donc de faciliter par des dispositions générales la création d’un nouveau réseau destiné à former en quelque sorte le service vicinal des chemins de fer, à côté des grandes lignes qui peuvent être assimilées aux routes nationales.

Telle fut l’origine de la loi de 1865, qui a réglé le mode de concession, d’établissement et d’exploitation des chemins de fer d’intérêt local. La loi porte que les chemins de fer de cette catégorie seront créés soit par les départemens et les communes, avec ou