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renseignement de quelque importance. « Isée, dit-il d’après Hermippos, l’auteur d’un ouvrage estimé sur les disciples d’Isocrate, Isée fréquenta les philosophes les plus distingués de son temps. » Il n’y a point là, on le voit, de quoi tenter même l’esquisse d’une biographie d’Isée. Le seul épisode de cette vie qui puisse avoir pour nous quelque intérêt, les rapports de Démosthène et d’Isée, trouvera mieux sa place dans une étude sur Démosthène. Là même d’ailleurs, on n’aperçoit rien qui jette quelque jour sur les habitudes, les mœurs et le caractère d’Isée. L’homme nous échappe ; il faut nous résigner à ne connaître de lui que son talent, à ne chercher dans ce qui nous reste de ses œuvres que le juriste et l’orateur.

Moins considérable que l’œuvre de Lysias, l’œuvre d’Isée est bien loin aussi de nous être arrivée complète. On n’a en tout de lui que onze discours entiers, auxquels il faut ajouter des fragmens d’une quarantaine d’autres, fragmens dont l’un, cité par Denys d’Halicarnasse, est long et fort intéressant ; les autres se réduisent à quelques lignes où à quelques mots allégués par les grammairiens pour fixer le sens d’un terme de l’ancienne langue. En tout cas, la collection des discours d’Isée ne présenterait pas la même variété que celle des discours de Lysias : il ne s’est point essayé dans le discours politique ni dans le discours d’apparat ; des trois genres que reconnaissait l’école, il n’en a cultivé qu’un, le genre judiciaire. Au barreau même, il paraît avoir en sa spécialité : c’était, comme on dirait aujourd’hui, un avocat de causes civiles. Parmi les discours dont nous avons les titres, presque tous ceux dont on peut deviner le sujet ont trait à des questions de propriété ou d’état ; les onze qui nous restent se rapportent à de contestations d’héritage, et on voit par les fragmens qu’un certain nombre de plaidoyers analogues ont été perdus.

Ce n’est point probablement par l’effet du hasard que la partie sauvée du recueil sa compose de discours qui appartiennent tous à cette catégorie. Ajoutez à ces onze plaidoyers quatre autres dont le titre prouve qu’ils roulaient sur un débat du même genre, et vous reconnaîtrez que les discours consacrés à des hérédités litigieuses formaient à eux seuls plus du quart, le tiers peut-être de la collection. Nous ne serions pas surpris qu’ils en aient été en même temps la partie la plus remarquable. Appliquant à l’étude du droit un esprit que la nature avait déjà tourné de ce côté et auquel la philosophie avait donné le goût des idées générales, Isée avait dû se sentir particulièrement attiré vers le droit successoral. Dans l’ensemble des règles qui gouvernent la vie d’une nation, il n’y a rien où l’accident, où les vues personnelles d’un législateur ou d’une assemblée aient moins de part ; il n’y a rien qui se perpétue plus longtemps et qui traduise d’une manière plus fidèle les instincts les