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honorerait sa tombe… Moi, son fils adoptif, et ma femme, nous l’avons entouré de soins tant qu’il a vécu, nous avons donné son nom à mon fils, afin que le nom de sa maison ne se perdît point. Après sa mort, je l’ai enseveli d’une manière digne de lui et de moi, j’ai dressé au-dessus de sa tombe un beau cippe, je lui ai fait les sacrifices du neuvième jour et rendu tous les derniers devoirs aussi bien qu’il m’était possible, de manière à mériter les éloges de tous les gens du dème[1]. » Ailleurs Isée exprime la même idée sous une forme plus générale. « Le citoyen, dit-il, qui désire laisser derrière lui un fils que lui aura donné l’adoption prend toutes les précautions nécessaires pour que les dispositions qu’il a combinées aient leur plein effet. Sa fortune passera donc à celui qu’il aura adopté, et c’est celui-ci qui ira aux autels paternels et offrira au défunt et à ses ancêtres les hommages accoutumés[2]. » Enfin, dans ce même discours, celui qui prétend avoir seul des droits à l’héritage fait valoir, comme une considération qui doit être d’un grand poids dans la balance, la nécessité de ne point laisser profaner le culte héréditaire et les sacrifices des ancêtres par un intrus qui viendrait les offrir sans droit. De pareilles raisons n’étaient peut-être pas ce qui touchait le moins le jury athénien.

On faisait donc, chez les Athéniens, un très fréquent usage de l’adoption ; mais l’adoption ne paraît pas y avoir eu la même originalité et la même puissance qu’à Rome, y avoir été entourée de formes aussi solennelles, ni avoir aussi profondément modifié la situation de celui auquel elle s’appliquait. A Rome, pour autoriser un citoyen à passer d’une famille dans une autre, il fallait une loi curiate, c’est-à-dire, avant que cette autorisation ne fût devenue une pure affaire de forme, l’intervention du peuple tout entier assemblé dans ses comices ; à Athènes au contraire, il suffisait de la simple volonté de l’adoptant, pourvu qu’elle fût clairement manifestée. Vivant, il n’avait qu’à présenter son fils adoptif à la phratrie ou association religieuse héréditaire, et à le faire inscrire dans le dème ou bourg dont il faisait partie ; mourant, il pouvait encore adopter par testament. En revanche, à Athènes le fils adoptif n’était pas, comme à Rome, complètement substitué aux droits d’un fils légitime. Tandis que le fils légitime était saisi de plein droit à la mort de son père, l’adopté devait demander au magistrat la saisine judiciaire, et tous ceux qui avaient des prétentions sur l’héritage pouvaient former opposition et réclamer qu’il fût sursis à l’envoi en possession. L’adoption, telle qu’Athènes la pratiquait, n’était, à vrai dire, qu’une institution d’héritier. C’est ce que

  1. De l’héritage de Ménéclès, § 10 et 36.
  2. De l’héritage d’Astyphilos, § 7 et 36.