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curateur aux biens. C’est que l’héritage n’était pas une dot assignée à la mère, dot sur laquelle tous les enfans issus de ce mariage auraient eu les mêmes droits : il y avait là une de ces substitutions que prohibe notre loi, et que favorisaient les législateurs de Rome et d’Athènes. Le véritable, le seul héritier, c’était, le fils de la fille, celui des enfans, ordinairement le premier-né, qui était choisi pour succéder à son aïeul. Dès que cet enfant avait atteint sa majorité, il sortait de la maison paternelle, et, quoique son père et sa mère fussent encore vivans, il prenait possession du patrimoine de son grand-père maternel. C’est un des traits originaux de là législation athénienne que ce rôle réservé dans la transmission des biens à ces filles que l’on appelait les épiclères, mot que l’on a traduit à tort par les héritières ; il signifie proprement celles qui accompagnent l’héritage, que l’on prend avec lui. Nous n’avons rien de pareil, parce que notre droit successoral repose sur de tout autres fondemens.

Au contraire, pour tout ce qui regarde la forme même du testament, la loi attique, plus spiritualiste que la loi romaine, se rapprochait beaucoup de la nôtre ; pourvu que la volonté du testateur fût clairement manifestée, la loi se déclarait satisfaite et tenait l’acte pour valable, de quelque manière qu’il fût rédigé. Ce qui faisait foi, ce n’était pas, comme chez nous, l’écriture et la signature du testateur, c’était son sceau apposé sur l’acte ; dans toute l’antiquité, c’est l’empreinte de l’anneau sur la cire qui a été ainsi le symbole de la volonté souveraine du citoyen ou du prince, la garantie et le signe de l’authenticité. Parfois le testament restait un acte privé et n’était entouré d’aucune solennité. Ainsi nous voyons dans Lysias Diodote, qui part pour la guerre, appeler sa femme et son frère, leur faire ses adieux, et remettre à celui-ci son testament où il l’institue tuteur de ses enfans[1]. D’autres fois on confiait à l’archonte l’acte où l’on avait consigné ses intentions ; si l’on était surpris par la maladie, on pouvait mander ce magistrat près de son lit de mort, et déclarer devant lui ses dernières volontés. Ce qui pourtant était le plus ordinaire, c’est ce que nos codes nomment la forme mystique du testament. On faisait venir des témoins, mais on ne leur lisait pas l’acte et on ne leur en faisait pas connaître les dispositions. Leur rôle se bornait à constater qu’il avait été déposé, en telle année et tel jour, sous une enveloppe cachetée dont ils avaient vérifié les sceaux, entre les mains de tel ou de tel citoyen qui devrait le produire en temps et lieu. L’usage si commode des codicilles, qui ne s’introduisit à Rome que sous Auguste, fut de bonne heure répandu à Athènes. On pouvait, nous le voyons dans

  1. Lysias, XXXII, 5.