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main d’un même maître absolu les seuls liens qui puissent emporter des effets civils.

Le principe qui domine toute cette classification des héritiers collatéraux, c’est la préférence accordée à la ligne masculine. Isée y revient ailleurs, et cite ces mots comme les propres termes de la loi : « Les mâles et ceux qui seront issus d’eux, pourvu qu’ils aient avec le défunt un auteur commun, passeront avant les femmes, quand même ils ne seraient parens du défunt qu’à un degré plus éloigné[1]. » Il y a là une inégalité qui peut nous paraître choquante ; mais, qu’on ne s’y trompe pas, Ce qui nous paraît si rigoureux est déjà un adoucissement du droit primitif. A l’origine, comme le dit M. Fustel, « la descendance en ligne masculine établissait seule entre deux hommes le rapport religieux qui permettait à l’un de continuer le culte de l’autre. La religion n’admettait pas de parenté par les femmes. Les enfans de deux sœurs ou d’une sœur et d’un frère n’avaient entre eux aucun lien et n’appartenaient ni à la même religion domestique ni à la même famille. » Il s’ensuivait qu’ils ne pouvaient hériter les uns des autres. C’est ce dont témoigne une vieille loi citée par Démosthène : « Si un homme est mort sans enfans, l’héritier est le frère du défunt, pourvu qu’il soit frère consanguin ; à défaut de lui, le fils du frère, car la succession passe toujours aux mâles et aux descendans des mâles. » A quelle époque Athènes transigea-t-elle sur ce point ? Nous l’ignorons. Ce pas était déjà fait, et depuis assez longtemps peut-être, au IVe siècle. La loi admettait les femmes à transmettre l’héritage ; toutefois elle semblait ne les y appeler que faute de mieux et comme en désespoir de cause.

Toujours sous l’influence de cette même idée religieuse, la loi antique était bien plus sévère encore que la nôtre pour les enfans nés en dehors du mariage. L’introduction d’un bâtard dans la famille eût souillé l’autel domestique et profané ainsi la cité tout entière : les orateurs, Isée par exemple et Démosthène, insistent avec force sur cette pensée dans des litiges qui, devant un tribunal moderne, n’auraient que le caractère d’une contestation d’intérêt privé. Un citoyen ne pouvait léguer sa fortune au bâtard sans s’exposer à voir le testament attaqué et cassé. La loi permettait seulement de lui laisser, à titre d’alimens, dirions-nous, une somme qui ne dépassât pas mille drachmes. Même dans le cas où le défunt n’aurait pas institué d’héritier ni laissé de parens au degré successible, l’enfant naturel n’avait rien à prétendre. Ce n’était pas non plus, autant que nous pouvons en juger, l’état qui réclamait les successions vacantes. Nous n’avons aucun texte formel à ce sujet ;

  1. De l’héritage d’Apollodore, § 20.