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cependant tout l’esprit du vieux droit et les analogies que l’on peut tirer de la loi romaine primitive ne peuvent guère nous laisser de doutes. Les biens devaient revenir à la gens et à la phratrie, c’est-à-dire à un groupe d’individus et de familles, présumés descendus d’un auteur commun, que réunissait de temps immémorial le lien d’un culte héréditaire célébré par des sacrifices et des banquets. Avant Solon, quand la faculté de tester n’existait pas à Athènes, le cas devait se présenter souvent ; c’était probablement alors la gens qui choisissait dans son sein un citoyen chargé d’occuper la maison du défunt et d’entretenir la flamme de son foyer. Une fois au contraire le testament passé dans les mœurs, il devait être bien rare qu’un citoyen, qui ne se connaissait point de parens, ne prît pas ses mesures pour se donner un successeur. En droit, le principe n’en subsistait pas moins tel qu’au temps des décemvirs Rome l’avait inscrit dans la loi des Douze-Tables[1].

Lorsqu’un Athénien n’avait pas d’enfans légitimes, sa volonté, d’après le texte de Solon que nous avons cité, aurait dû, comme à Rome, faire loi pour la transmission de l’héritage ; mais la pratique ici était loin de répondre à la théorie. Il s’était introduit des abus que révèle plus d’un plaidoyer des orateurs attiques. Ces grands jurys qui tranchaient sans appel tous les litiges étaient composés d’hommes qui n’avaient point fait des lois une étude spéciale ; ils étaient trop nombreux pour qu’aucun des juges se sentît contenu par le sentiment de sa responsabilité personnelle. Tous ceux qui portaient la parole devant eux leur répétaient sur tous les tons que leur pouvoir était absolu et sans limites ; ce n’était que d’eux, de leur bienveillance et de leur sympathie que l’on attendait le succès de ses prétentions. Ces juges ne risquaient point de se voir jamais pris à partie pour leurs décisions ou de les entendre réformer par un tribunal supérieur ; il n’est pas étonnant qu’ils se soient laissé glisser sur la pente où tout le monde s’entendait à les pousser.

A Rome, jurisconsultes et juges avaient une tendance marquée à respecter, du moment qu’elle s’était manifestée d’une manière conforme aux lois, la volonté du testateur ; ce n’est guère qu’au vie siècle de Rome que s’introduisit l’action pour cause de testament inofficieux, et que les centumvirs purent annuler un pareil acte comme contraire aux devoirs de la parenté, comme dénotant dans ses dispositions une volonté irréfléchie et déraisonnable. Encore cette action n’était-elle accordée qu’aux enfans, aux héritiers du sang, quand ils se croyaient exhérédés sans motif légitime ; on ne la donna

  1. Si adgnatus nec escit, gentilis familiam nancitori « s’il n’y a pas d’agnat, que le gentil soit héritier. »