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constitué et en lui fournissant tout à la fois dans le scribe et la synagogue les moyens de s’en passer le jour où cela deviendrait nécessaire, on accordera que nous n’avons rien exagéré en disant que c’est cette captivité qui a réellement fondé le judaïsme.

Jusqu’à présent, nous avons omis à dessein, pour ne pas compliquer notre exposition, d’envisager la grande question, plus souvent tranchée qu’étudiée, des rapports religieux des Juifs avec les Perses et de l’influence que le parsisme put exercer sur les idées et les croyances des populations du Jourdain. Nous avons seulement rappelé qu’au moins dans les premiers temps qui suivirent la victoire de Cyrus sur les Chaldéens les rapports du nouveau maître et des nouveaux sujets furent empreints d’une singulière bienveillance réciproque. Il n’en fut pas toujours de même par la suite; mais en somme les Juifs n’eurent jamais contre l’empire perse, leurs écrits en font foi, cette haine féroce qui les anima si souvent contre leurs oppresseurs, soit avant, soit après la chute des Achéménides. Lorsque Néhémie eut disparu de l’histoire, les Juifs restèrent encore soumis à la Perse. En vertu de la constitution locale qu’Esdras et Néhémie avaient établie, le chef des prêtres se trouvait par le fait même de sa position le plus puissant personnage du pays. Déjà l’ambition d’occuper ce poste élevé jetait la discorde au sein des familles sacerdotales. Il est parlé d’un aspirant au pontificat suprême tué par son frère, qui ne voulait pas lui céder la place, et d’une lourde contribution que le gouverneur perse, lequel favorisait sous main la victime, préleva sur le peuple en manière de châtiment. Il n’est pas douteux que le peuple juif dut avoir sa part des agitations et des guerres qui troublèrent les états du grand roi vers le milieu du IVe siècle avant notre ère; toutefois les documens historiques ne contiennent rien de spécial à ce sujet: le plus probable est que le sort des Juifs ne différa guère de celui des autres populations qui composaient ce vaste empire, et qu’en somme il fut supportable.

Rien donc ne s’oppose en soi à la possibilité et même à la vraisemblance d’une influence positive des idées et des croyances persanes sur la constitution religieuse et les doctrines du judaïsme. Seulement ce n’est pas en Judée même qu’il faut en chercher la trace : la Judée était trop loin du centre de la vie politique et religieuse des Perses; mais nous avons vu que les Juifs de Palestine reçurent à plus d’une reprise leur direction de leurs coreligionnaires demeurés à l’étranger. C’est à Babylone, ou du moins dans les environs, que s’élabora pendant près d’un siècle la législation nouvelle, c’est de là qu’elle fut apportée et imposée, et c’est dans cette région qu’un contact quotidien permit aux Juifs de bien connaître la religion des Perses.