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célèbrent encore aujourd’hui, et qui doit être décidément rangée dans la catégorie des emprunts directement faits à la Perse. Il s’agit de la fête des Purim ou des sorts. Cette fête doit être consacrée à la merveilleuse délivrance des Juifs soumis au roi de Perse et voués tous à la mort par un orgueilleux courtisan. Le livre d’Esther nous raconte comment les événemens se seraient passés. C’était sous le règne d’Assuérus, c’est-à-dire de Xerxès Ier (485-464 avant Jésus-Christ). Haman, le premier ministre de ce roi, aigri contre les Juifs, conçoit le plan de les anéantir tous en un seul jour sur toute la surface de l’empire. Le sort, qu’il consulte, lui indique le 13 du mois d’adar (7 mars) comme le jour le plus propice à la réalisation de son affreux projet, et il parvient à gagner le roi en l’inquiétant sur les dispositions de ce peuple indocile; cependant Assuérus, brouillé avec la reine Vasthi, venait d’épouser une jeune Juive nommée Hadassa ou Esther[1], qui lui avait paru la plus belle de son royaume, mais dont il ignorait la nationalité. Or Mardochée, oncle de la nouvelle reine, la décide à demander au roi la grâce de ses compatriotes. Elle le fait au péril de sa vie, car elle doit pour cela violer la rigoureuse étiquette de la cour de Suse en se présentant devant le roi sans être mandée par lui, et le temps presse. Heureusement sa rare beauté lui obtient son pardon, et elle s’y prend si bien qu’Haman tombe dans ses propres filets. C’est lui qui est pendu au gibet de cinquante coudées qu’il avait fait préparer pour Mardochée, et c’est Mardochée qui devient le favori en titre. D’ailleurs le roi découvre au même instant qu’il lui avait rendu auparavant un éminent service. Non-seulement Assuérus révoque les ordres qu’il avait déjà lancés pour l’extermination en masse des Juifs, mais encore il accorde à ceux-ci par lettres patentes la permission de tuer eux-mêmes, dans Suse et dans toutes les provinces de l’empire, tous ceux de ses sujets dont ils ont à craindre la haine. Les Juifs ne se le font pas dire deux fois, et tuent 75,000 sujets du roi. La reine Esther sait même obtenir de son royal époux que les dix fils d’Haman seront pendus comme leur père, et que ses compatriotes prolongeront un jour de plus leur sanglante vengeance dans les murs de la capitale. Le massacre dura donc pendant les deux journées du 13 et du 14 adar, à la date précisément qu’Haman avait fixée, sur le conseil du sort, pour la destruction du peuple juif. C’est en souvenir de la tournure inespérée de ces événemens que les Juifs célèbrent le jour des Purim ou des sorts, éternisant ainsi la mémoire de la belle reine Esther et de son oncle Mardochée.

  1. Hadassa est le nom hébreu et signifie myrte ; Esther est probablement un nom perse et pourrait se rapprocher du grec aster, étoile ou astre en général.