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moyen âge, nous pouvons ajouter plus d’un trait certainement authentique. Il y a, dit-il, des sessions ordinaires, à jours fixes, et des sessions extraordinaires quand les circonstances l’exigent. On prend pour date de ces réunions la nouvelle ou bien la pleine lune, deux phénomènes qui passent pour être d’un heureux présage. Les hommes libres, chacun à son heure, y viennent bien moins remplir un devoir qu’exercer un droit. Dès qu’on se trouve assez nombreux, on ouvre la séance, tout en armes. D’abord le prêtre commande le silence, à lui seul appartient pendant la session le droit de réprimer et de punir; puis on discute les propositions de l’assemblée préparatoire. Un des principaux ou des chefs prend la parole; il recommande ou blâme les mesures mises en délibération : la résolution définitive appartient à l’assistance, qui approuve en faisant retentir l’air du choc de ses armes, et qui blâme ou refuse par ses murmures. C’est dans cette grande assemblée nationale que le jeune Germain reçoit publiquement le bouclier et la framée; à partir de ce jour, il fait partie de la cité et non plus seulement de la famille: il peut suivre un chef illustre dans quelque expédition guerrière, et se préparer ainsi aux droits comme aux devoirs du citoyen. C’est là aussi que sont nommés par la réunion des hommes libres ceux d’entre eux qui seront chargés de présider au gouvernement civil du hundred, et de rendre la justice pour les affaires courantes soit dans le hundred, soit dans le tithing. Du reste la grande assemblée de la tribu peut devenir, elle aussi, un tribunal pour les affaires les plus importantes, pour les crimes politiques, pour les infractions aux lois militaires et les actions infamantes; certains délits moins graves y sont également punis par le wehrgeld. C’est elle enfin qui résout les expéditions, car elle est tour à tour assemblée politique, cour civile, tribunal et conseil militaire. Peut-être en cette dernière qualité voit-elle se célébrer ces jeux guerriers dont parle Tacite, des exercices d’équitation, une danse parmi les épées nues. Voilà ce que nous apprend Tacite; mais, si nous consultons les documens du moyen âge, nous les trouvons moins sobres de détails. Il nous offrent, au sujet de cette même assemblée principale qui subsiste à travers les âges, mille traits de date fort ancienne, quelques-uns non-seulement contemporains de Tacite et de César, mais antérieurs à leur temps, et sans doute aussi vieux que les Germains eux-mêmes. Ce qui autorise à en juger ainsi, c’est que ces mêmes traits se retrouvent identiques chez tous les peuples germaniques et non pas chez deux ou trois seulement. Qu’on examine ensemble le mâl des Francs, le gemot des Anglo-Saxons, le warf des Frisons, le thing des Scandinaves, on les verra constitués de même, grâce évidemment à de très antiques traditions léguées à