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certé, » n’est pas en proportion avec celle qui frappe (art. 414) les menaces ou manœuvres frauduleuses.

En Allemagne et en Belgique, on a réuni toute la partie pénale de la loi en un seul article qui frappe les divers délits : dans le code belge, d’un emprisonnement de huit jours à trois mois et d’une amende de 26 fr. à 1,000 fr.; en Allemagne, d’un maximum de trois mois de prison. En Angleterre, suivant l’usage de la législation nationale, on a fait une liste détaillée et presque minutieuse des atteintes qui peuvent être portées à la liberté du travail; « un amendement à la loi criminelle » voté récemment contient cette série de délits et renonciation des peines, qui sont fort rigoureuses et atteignent dans certains cas des fautes difficiles à déterminer. Ainsi le seul fait de stationner à la porte d’un atelier ou d’une maison particulière pour attendre un ouvrier au passage et lui faire une communication ou une réclamation est considéré comme un délit. De nombreuses protestations sont soulevées en ce moment par les classes laborieuses contre la rédaction de l’act, qui, interprété trop à la lettre, les soumettrait à une répression excessive. Le récent congrès des trades-unions tenu à Nottingham a, par un vote unanime, demandé la révision de cette partie de la législation pénale, et plusieurs membres du parti libéral se sont engagés à présenter ces réclamations au parlement dans sa prochaine session.

Revenons à la France : quelques-uns des reproches les plus vifs adressés en 1864 à la nouvelle loi n’ont plus aujourd’hui autant de raison qu’à cette époque. Tout en accordant la liberté des coalitions, le gouvernement impérial prétendait maintenir rigoureusement l’interdiction des réunions publiques et l’article 291 du code pénal ainsi que la loi d’avril 1834, qui prohibent les associations de plus de vingt personnes. C’était tomber dans une singulière contradiction, et l’opposition ne se fit pas faute de mettre en relief cette inconséquence du législateur. Ne se bornait-il pas à une fiction lorsqu’en autorisant de nom la coalition il menaçait les grévistes de poursuites pénales pour s’être réunis, ce qui est indispensable si l’on veut s’entendre, ou pour s’être associés, ce qui est le fond même de la coalition? On avait entouré l’exercice du nouveau droit de tant de difficultés qu’à coup sûr presque toutes les coalitions devraient venir s’y briser. Suivant une expression juste qui fut lancée dans la discussion, les « coalitions métaphysiques » pourraient seules se soustraire aux rigueurs de la loi; dans la réalité, on serait toujours punissable.

Dès 1868, une loi a permis, comme on sait, les réunions où les matières économiques seules seraient agitées. Sur ce point, les réclamations de 1864 ont donc reçu satisfaction. Quant à l’article 291 et à la loi de 1834, la question n’est pas aussi simple