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permet de croire que le commerce phénicien exploitait la Mer du Nord. Bien plus, s’il est vrai que Pythéas, à en croire un fragment de sa relation dans Pline, ait vu le Frische-Haff et les rives orientales de la Baltique, comme il semble n’avoir fait que visiter les anciens comptoirs des Phéniciens pour renouer au nom de Marseille leurs traditions de commerce, on peut penser qu’ils ont, eux aussi, pénétré à la recherche de l’ambre dans cette seconde mer. Ils durent toutefois se contenter souvent de venir le recevoir dans leurs comptoirs du nord de l’Adriatique, où il arrivait en traversant, de tribu en tribu, toute l’antique Germanie. Ainsi s’expliquerait la tradition qui rattachait à la région de l’Éridan la production de cette précieuse substance. Là était tombé Phaéton, disait-elle, et ses sœurs, désolées de sa mort, avaient été changées en peupliers sur les bords du fleuve; mais elles n’avaient pas cessé de répandre des larmes, et ces larmes, que chaque tronc d’arbre distillait, c’était l’ambre. A la suite des Phéniciens, les Grecs étaient venus par terre chercher l’ambre aux lieux de son exploitation principale. On a trouvé dans le pays de Posen de très anciennes monnaies d’Athènes qui paraissent l’attester. Ce qui abonde dans le sol des provinces baltiques, ce sont les monnaies romaines, puis les monnaies orientales. Le commerce antique avait été ainsi, comme par un dessein providentiel, sollicité sans cesse à la découverte du nord, et, si le souvenir des entreprises phéniciennes s’était effacé et perdu, voici que les Romains, à la suite des campagnes qui leur ouvraient la Germanie septentrionale, se rendaient au même appel. L’ambre avait été toujours fort recherché par le luxe de Rome, mais il semble que la mode ait eu à ce sujet un mouvement prononcé de recrudescence au temps de Pline l’Ancien et de Tacite. Pline nous apprend que telle statuette d’ambre, artistement travaillée, coûtait plus cher qu’un esclave sain et fort. Sous le règne de Néron, un chevalier romain, envoyé vers les marchés des embouchures de la Vistule, en avait rapporté une assez grande quantité pour qu’au prochain combat de gladiateurs on pût en orner leurs armures et les diverses parties du cirque. Les itinéraires que donne la Géographie de Ptolémée offrent deux routes qui, de Carnuntum, près de Vienne, sur le Danube, à travers la Silésie, la Pologne et la Poméranie, se dirigeaient vers les bouches de l’Oder : c’étaient sans nul doute de très anciennes voies de commerce que Rome avait dû reprendre aisément.

Quelles idées l’imagination romaine attachait-elle à cette matière de l’ambre pour la tenir en aussi grande estime que les perles, les murrhins et le cristal? On en connaissait à peine la nature et l’origine; les interprétations les plus étranges, comme on peut le