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qui en découle : c’est que le mécanisme de la pensée nous est inconnu, et je crois que tout le monde sera d’accord sur ce point. La question fondamentale que nous avons posée n’en subsiste pas moins, car ce qui nous importe, c’est de savoir si l’ignorance où nous sommes à ce sujet est une ignorance relative qui disparaîtra avec les progrès de la science, ou bien si c’est une ignorance absolue en ce sens qu’il s’agirait là d’un problème vital qui doit à jamais rester en dehors de la physiologie. Je repousse, quant à moi, cette dernière opinion, parce que je n’admets pas que la vérité scientifique puisse ainsi se fractionner. Comment comprendre en effet qu’il soit donné au physiologiste de pouvoir expliquer les phénomènes qui s’accomplissent dans tous les organes du corps, excepté une partie de ceux qui se passent dans le cerveau ? De semblables distinctions ne peuvent exister dans les phénomènes de la vie. Ces phénomènes présentent sans doute des degrés de complexité très différens, mais ils sont tous au même titre accessibles ou inaccessibles à nos investigations, et le cerveau, quelque merveilleuses que nous paraissent les manifestations métaphysiques dont il est le siége, ne saurait constituer une exception parmi les autres organes du corps.


II.

Les phénomènes métaphysiques de la pensée, de la conscience et de l’intelligence, qui servent aux manifestations diverses de l’âme humaine, considérés au point de vue physiologique, ne sont que des phénomènes ordinaires de la vie, et ne peuvent être que le résultat de la fonction de l’organe qui les exprime. Nous allons montrer en effet que la physiologie du cerveau se déduit, comme celle de tous les autres organes du corps, des observations anatomiques, de l’expérimentation physiologique et des connaissances de l’anatomie pathologique.

Dans son développement anatomique, le cerveau suit la loi commune, c’est-à-dire qu’il devient plus volumineux quand les fonctions auxquelles il préside augmentent de puissance. À mesure que l’intelligence se manifeste davantage, nous voyons dans la série des animaux le cerveau acquérir un plus grand développement, et c’est chez l’homme, où les phénomènes intellectuels sont arrivés à leur expression la plus élevée, que l’organe cérébral présente le volume le plus considérable. D’après la forme du cerveau, d’après le nombre des plis ou circonvolutions qui en étendent la surface, on peut déjà préjuger l’intelligence des divers animaux ; mais ce n’est