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elle le fit avec la passion qu’elle mettait partout. Athénaïs menait d’ailleurs dans la sainte cité de Jérusalem une vie consacrée aux bonnes œuvres publiques ou privées. Elle avait, achevé la reconstruction et l’agrandissement de l’enceinte de la ville entreprise par elle lors de son premier séjour ; nombre de monastères et d’hôpitaux lui devaient leur fondation, et ses libéralités allaient chercher les ermites du désert jusque dans les solitudes les plus reculées. Elle avait élevé de ses deniers, à l’endroit où le premier martyr Etienne avait été lapidé, une magnifique église en son honneur, prenant soin d’y marquer elle-même sa sépulture, comme si elle n’eût voulu pour ses restes mortels d’autre patrie que Jérusalem. Les bonnes œuvres d’Eudocie portaient un cachet de grandeur vraiment impérial qui frappait l’imagination, en même temps qu’elles lui attiraient la reconnaissance des peuples. Elle était la mère des pauvres et la reine d’une province où elle faisait le bien en souveraine. On l’aimait jusqu’à l’adoration, et l’on disait que le roi-prophète l’avait annoncée à sa ville favorite lorsqu’il s’écriait dans un de ses psaumes : « O Seigneur, comble de biens Sion par ta bonne volonté, et que les murailles de Jérusalem soient reconstruites. » Or le mot qui signifiait dans la traduction grecque bonne volonté ou bienveillance, endocia, était le nom même de l’impératrice Eudocie ; pour beaucoup de gens enthousiastes, cette concordance fortuite de mots cachait un sens prophétique. En fait de flatteries, on l’avouera, celle-ci en valait bien une autre.

La Palestine comptait alors parmi ses moines un homme actif, audacieux, prêt à tout, intelligent d’ailleurs, et qui avait acquis par la lecture assidue des auteurs ecclésiastiques la réputation d’un savant ; il se nommait Théodosius. La science chez ce moine était subordonnée au fanatisme, et il étudiait moins pour le bonheur de découvrir la vérité que par désir de la trouver dans l’hérésie d’Eutychès. Il cherchait surtout des textes des pères qui appuyassent sa doctrine de prédilection, même il en fabriquait au besoin. On l’accusait par exemple d’avoir altéré, dans les copies qu’il en répandait, plusieurs des ouvrages de Cyrille qui cependant prêtaient assez aux opinions eutychiennes pour qu’on s’épargnât la peine de les falsifier. De bonne heure, cet homme s’était montré grand fauteur d’intrigues, de mensonges, de bruits calomnieux pouvant produire des troubles ; toujours en guerre avec ses supérieurs, dont il cherchait à ébranler l’autorité, il semait autour de lui la discorde pour en profiter dans l’occasion. Il ne fut pas toujours heureux dans ses tentatives. Chassé de son couvent de Palestine pour diffamation envers son évêque, à ce qu’on peut croire, il se réfugia en Égypte ; étant venu dans la ville d’Alexandrie, il eut l’audace d’attaquer Dioscore. Mal lui en