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commencèrent. Les évêques qui repoussaient la communion des moines furent emprisonnés ou cherchèrent à fuir. Théodosius, au milieu de ce désarroi, déclara le siège de Jérusalem vacant, et s’y fit introniser par des évêques venus du dehors. De Jérusalem, l’insurrection gagna de proche en proche toute la province, l’intrus se mit à ordonner un grand nombre de clercs et jusqu’à des évêques. Il les expédiait dans les trois subdivisions de la Palestine pour y remplacer les évêques restés au concile ou ceux-là qui refusaient sa communion. Ce fut un bouleversement général dans l’église.

De l’église, la révolution s’étendit à l’ordre civil. Ce roi des moines eut son gouvernement qui mit hors la loi les magistrats légitimes, la persécution fut ouverte dans la ville contre ceux qui ne reconnaissaient pas l’autorité religieuse de l’intrus. On flagella les uns, on ôta les biens aux autres, pillant et brûlant sans pitié leurs maisons. De nobles matrones se virent l’objet d’indignes outrages. Les prisons furent ouvertes et les criminels mis en liberté. Les citoyens étaient contraints d’anathématiser le concile de Chalcédoine et le pape Léon. Un diacre nommé Athanase, outré de tant de tyrannie, dit un jour à Théodosius en plein chœur de son église, et, pendant qu’il siégeait sur le trône épiscopal : « Cesse de faire la guerre au Christ et de disperser son troupeau, et apprends, si tu ne le sais pas, que notre fidélité à notre vrai pasteur est inébranlable, Tu ne seras jamais pour nous qu’un étranger. » Ce diacre parlait encore lorsque, sur un signe du faux évêque, des gens armés s’emparent de lui, le traînent hors de l’église et lui coupent la tête. Son corps est aussitôt traîné par un pied dans toute la ville et jeté en pâture aux chiens. L’église honora sa mémoire comme celle d’un martyr.

Tandis que Jérusalem était courbée sans défense sous cette honteuse tyrannie, le gouverneur Dorothéus mettait en fuite les tribus barbares qui avaient envahi Moab, et ramenait ses troupes dans la ville ; mais il en trouva les portes fermées et les murailles garnies de gens sous les armes que l’histoire appelle les satellites de Théodosius et d’Eudocie. Il essaya de parlementer et reconnut que l’affaire était sérieuse ; les habitans, qui se voyaient compromis et craignaient un dernier effort des brigands, lui déclarèrent qu’ils ne le recevraient point, s’il ne s’engageait à respecter ce qu’avaient constitué en son absence « l’ordre entier des moines et tout le peuple de Jérusalem. » C’était, paraît-il, le nom qu’avait pris le nouveau gouvernement. Plutôt que de faire une entrée sanglante et de livrer assaut à la ville sainte, Dorothéus capitula et se soumit en attendant les commandemens de l’empereur. Les troupes pénétrèrent donc sans coup férir, mais non pas cependant sans exercer quelques vexations sur