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public avait ses défenseurs. Tantôt il inclinait vers un retour à ses vieux projets et cherchait pour la France des agrandissemens impossibles, tantôt il penchait vers une lutte qui eût renversé les conséquences de sa propre politique, il commençait des armemens que les murmures du pays lui faisaient interrompre, il ébauchait une organisation militaire dont il n’osait poursuivre l’application ; le plus souvent, autant par incertitude que par système, il se résignait avec le gros de l’opinion au maintien d’un statu quo précaire, impossible à perpétuer, inconciliable avec une paix solide.

A force de tâtonnemens, à force de contradictions, la politique du second empire avait fini par mécontenter tous les partis à la fois. Le plan napoléonien ne faisant que reprendre en grand la politique étrangère de l’opposition sous la restauration et la monarchie de juillet, les idées impériales ne pouvaient manquer de trouver au début un appui parmi les libéraux et les démocrates, qui pendant quarante ans s’étaient faits les avocats des nationalités. Elles le rencontrèrent en effet à l’origine des affaires d’Allemagne comme dans celles d’Italie. On n’a pas oublié que tous les principaux organes de l’opinion démocratique ou libérale soutenaient en 1866 la politique de l’alliance italo-prussienne. Les semi-libéraux, les cléricaux et la masse des conservateurs, qui subissaient leur influence, s’y montraient au contraire fort hostiles. De 1859 à 1867, au moment décisif de la grande crise qui devait transformer l’Europe, l’empire se trouva dans cette singulière position de voir sa politique étrangère combattue par ses partisans, appuyée par ses adversaires du dedans. C’était là une situation fausse et par là pleine de périls. Pour applaudir à ses vues en Roumanie, en Italie, en Pologne, même en Allemagne, les libéraux et les républicains ne se ralliaient pas à Napoléon III, tandis que les conservateurs et les cléricaux, qui avaient été les parrains du second empire, menaçaient de se détacher de lui. Il aurait fallu à l’empire une énergie qu’il n’avait point pour ne pas s’arrêter dans une voie où il rencontrait les répugnances de ses soutiens naturels sans trouver chez ses adversaires un appui auquel il pût se fier. Après avoir quelque temps soutenu la politique impériale en Italie et en Allemagne, l’opposition démocratique elle-même l’abandonna au moment critique, et, se retournant violemment contre elle, lui reprochait avec amertume les résultats des deux unités auxquelles plus que personne son parti avait poussé. Sadowa, que par haine de l’église et de la vieille Europe leurs journaux avaient appelé de tous leurs vœux, devint entre les mains des « irréconciliables » une des principales machines de guerre contre l’empire. Ainsi attaquée ou désavouée de tous, à gauche comme à droite, la politique impériale, surprise de son isolement, se trouvait toute désorientée et déroutée, poussée aux