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contradictions et aux coups de tête par les invectives mêmes de ceux qui, en lui reprochant ses fautes, lui disputaient les moyens militaires de les réparer.

Dans les embarras de sa politique étrangère, l’empire essaya de chercher au dedans les diversions que d’ordinaire dans les difficultés intérieures les gouvernemens demandent au dehors. Ne pouvant plus offrir la gloire, il devait se résigner à en revenir à la liberté. Il le tenta ; mais il le fit, comme toutes choses, avec des incertitudes, des demi-mesures, des prétentions contradictoires, sans consentir à dépouiller le césarisme, sans renoncer franchement à toute arrière-pensée de revanche belliqueuse. Par un résultat tout contraire aux espérances de l’empereur, ce qu’il avait pu réaliser des rêves de sa jeunesse avait, au lieu de l’étouffer, servi d’aliment à l’esprit critique, à l’esprit d’opposition. A cet égard, ses succès lui avaient encore plus mal réussi que ses échecs. L’exécution des idées napoléoniennes, dans ce qu’elles avaient de moins chimérique et de plus élevé, avait affaibli son pouvoir en blessant des préjugés ou des intérêts sur lesquels il s’appuyait. Les deux plus grands actes de son règne, l’émancipation de l’Italie et l’initiative du libre échange, devinrent chacun le point de départ d’une opposition nouvelle, d’autant plus redoutable qu’elle était conservatrice, opposition passionnée et exigeante comme la conscience et les intérêts, et dont, malheureusement pour la France, l’esprit a survécu à la chute de l’empire. La campagne d’Italie, en mettant en péril le pouvoir temporel du saint-siège, aliénait à l’empire une des principales forces morales qui l’avaient relevé, le clergé et le parti ultramontain, qui dès lors lui firent une guerre tour à tour sourde et bruyante, et dont les menées allaient poursuivre le souverain jusque dans le sein de la famille. Les traités de commerce qui, dans la pensée de l’empereur, devaient doubler la richesse de la France et enchaîner les nations de mille liens pacifiques, alarmèrent les intérêts matériels, la grande industrie, une autre des principales forces qui avaient porté Napoléon III sur le trône. La seconde des grandes mesures économiques de l’empire, la liberté des coalitions ouvrières, qui devait apaiser la lutte du travail et du capital en leur reconnaissant des droits égaux, ne fit qu’envenimer leur antagonisme, troubler les conservateurs qui se l’étaient laissé arracher, sans que les classes qui en bénéficiaient y vissent autre chose qu’une arme pour des conquêtes chimériques. La reconstruction de Paris, qui, en donnant aux ouvriers le travail et le bien-être, devait leur enlever le désir et les moyens de faire des révolutions, ne semblait aboutir qu’à rassembler dans la capitale une armée pour l’émeute. Les expositions internationales elles-mêmes réunissaient