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Pittsburg (350 kilomètres), sur laquelle elle avait dépensé 17 millions de dollars environ. Elle s’étendit peu pendant les années suivantes. Vers 1869, menacée par les compétitions trop vives des entreprises rivales situées plus au nord, elle acquiert tout à coup, par des contrats que le congrès ne fit pas difficulté d’approuver, une ligne qui la mène jusqu’à Chicago, une autre qui dessert Saint-Louis, une troisième qui atteint Cincinnati. Elle n’en voulait pas plus en apparence, annonçant à qui voulait l’entendre que son rôle ne comportait pas de nouvelles extensions au-delà du Mississipi ; mais ce que la compagnie s’abstenait de faire, les directeurs qui l’administraient ne se l’étaient pas interdit. Ces hommes, que l’on aurait pu croire absorbés par l’énorme gestion dont ils avaient déjà la charge, se faufilèrent dans les entreprises du Michigan et du Minnesota, où les chemins de fer ne se construisent qu’au moyen d’immenses concessions de terrains ; ils devinrent directeurs de la ligne du Pacifique, dont la principale ressource est aussi la revente des terrains limitrophes à la voie. On a calculé qu’ils étaient maîtres alors d’un territoire de 80,000 milles carrés, ce qui est presque l’équivalent de la surface de l’Italie. Ils possédaient en outre, sous le nom de la Compagnie pensylvanienne, 6,000 kilomètres de chemins de fer, un canal, des mines de houille, une entreprise de bateaux à vapeur, un capital de 700 millions de francs avec un revenu annuel de 250 millions, dont un quart était le profit net de l’entreprise. Qu’est-ce qu’un état où de tels élémens de puissance se trouvent réunis sans contrôle entre les mains de quelques citoyens ? Il serait puéril d’espérer, que ces hommes seront sages et modérés ; ils ont acquis un monopole gigantesque, et ne songent à s’en servir que dans leur intérêt personnel. On en vit la preuve au cours de l’hiver 1870-1871. Par l’effet de circonstances artificielles, les houillères de la Pensylvanie avaient acquis en peu d’années un développement de production que les besoins du commerce ne justifiaient, pas. De là temps d’arrêt, diminution de la vente et par conséquent de l’exploitation, puis finalement une baisse des salaires, contre laquelle les ouvriers mineurs se coalisèrent. La compagnie des chemins de fer possédait quelques puits de mines ; voulant mettre ses ouvriers à la raison, elle n’imagina rien de mieux que de tripler le prix de transport, afin d’enrayer la consommation et de forcer toutes les concessions minières au chômage. Tous les habitans de l’état s’en ressentirent. Les clameurs les plus violentes s’élevèrent contre les administrateurs du chemin de fer. On scruta les décrets de concession qui leur avaient été accordés, afin de découvrir s’ils possédaient effectivement le droit de faire peser des taxes de transport prohibitives sur la plus importante des matières premières. Le