Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/725

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’on fait dans les conservatoires aux élèves qui se destinent à la scène. Ainsi s’explique cette espèce de timidité que bien des Français et des plus intelligens éprouvent dès qu’il s’agit de parler en public. Ce n’est pas faute d’idées, c’est faute de savoir les exprimer. Dans nos assemblées législatives, il arrive ainsi que nombre d’hommes d’affaires qui ont la tête remplie de faits n’osent pas les porter à la tribune, et laissent occuper leur place par des avocats ignorans et verbeux. En Amérique, il n’en est point ainsi ; dans les moindres écoles, les jeunes citoyens sont instruits dans l’art délicat de développer publiquement leurs idées. De là cette facilité que tout homme possède aux États-Unis de parler dans un meeting, et d’y parler à l’improviste, simplement, laconiquement, comme on le fait aussi en Angleterre. Il ne s’agit pas ici de rhétorique, il s’agit d’élocution familière, et sous ce rapport on ne peut qu’applaudir à l’initiative qu’ont prise les promoteurs de l’école supérieure de commerce de Marseille.

Inutile de dire que la correspondance commerciale formera aussi l’objet d’un cours particulier. Correspondre est un art, principalement quand il s’agit d’affaires. Le commerçant doit être maître de sa plume. Il lui faut n’écrire que ce qu’il veut, et l’écrire très clairement, en peu de mots. Dans les grandes maisons de commerce, on juge souvent un correspondant à son style. « Je ne regarde jamais telle lettre de quatre pages, me disait un négociant, tant c’est prolixe et diffus. Je la laisse à déchiffrer à mes commis, et nous prenons notre temps pour exécuter les ordres d’un homme aussi peu clair. » Savoir ce qu’on veut, le bien dire, sans ambages, tel est le principe général de toute correspondance en affaires, et nos écoles de commerce doivent viser à former sur ce point leurs élèves. Est-il nécessaire d’ajouter que, lorsque ceux-ci auront acquis la pratique d’une bonne correspondance française, on les habituera également à correspondre en langue étrangère d’après les mêmes lois ?

Pour conclure, nous demanderions volontiers qu’un cours de droit administratif et un cours de droit constitutionnel complétassent la partie juridique de l’enseignement commercial. Aujourd’hui la bonne expédition des affaires privées dépend trop de celle des affaires publiques pour qu’il soit permis à nos négocians d’ignorer les élémens. du droit administratif et constitutionnel. En dehors de quelques cas particuliers, ces matières sont malheureusement négligées en France.

Nous n’avons parlé que des écoles américaines ou belges et de celles qu’on établit en France sur le modèle de celles-ci. Il existe