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UN MINISTRE
DU ROI PHILIPPE LE BEL

GUILLAUME DE NOGARET[1]
III.
LE PROCÈS CONTRE LA MÉMOIRE DE BONIFACE.


I

On a présenté avec beaucoup de raison le procès contre la mémoire de Boniface VIII comme l’épée que Philippe le Bel tenait suspendue au-dessus de la tête de Clément V pour le forcer à servir sa politique. Il est bien remarquable en effet que cette scandaleuse affaire fut mise plus sérieusement que jamais sur le tapis à un moment où le roi devait éprouver contre le pape une assez vive rancune. Bien loin de le servir dans sa folle ambition de mettre la couronne impériale sur la tête de son frère Charles de Valois après la mort d’Albert d’Autriche, Clément avait poussé à l’élection de Henri de Luxembourg, pour s’en faire un protecteur contre la France ; il favorisait de plus entre le nouvel empereur et la maison capétienne de Naples une alliance susceptible d’amener la réconciliation des guelfes et des gibelins. Cette politique, si naturelle, si raisonnable, irritait Philippe. Chaque jour, l’habile Clément rompait quelqu’une des mailles du filet où le puissant souverain avait cru pour jamais le tenir enfermé.

Nous avons vu que la question de la continuation du procès intenté par Nogaret contre la mémoire de Boniface fut traitée entre

  1. Voyez la Revue du 15 mars.