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ajoutait-il, il est clair que la divinité du Christ, qu’il tient de son père, est autre chose que son humanité, qu’il tient de sa mère, et qu’ainsi il confesserait les deux natures; » mais Eutychès n’y avait point consenti. « Ce que vous souteniez alors à Eutychès, dirent les magistrats à Basile de Séleucie, est parfaitement orthodoxe, et le refus d’Eutychès le constituait en état d’hérésie. Expliquez-nous donc pourquoi vous avez ensuite souscrit à l’absolution de l’archimandrite et à la déposition de l’archevêque Flavien, de sainte mémoire? — Parce que, répondit Basile, livré au jugement de cent vingt ou cent trente évêques, j’ai cédé à la nécessité de leur obéir. — Voici, s’écria Dioscore en l’interrompant, voici l’accomplissement de ce mot de l’Évangile : « tu te justifieras par ta bouche et tu te condamneras par ta bouche. » Tu as prévariqué par respect humain et tu as méprisé la foi. Tu ne sais donc pas qu’il a été écrit : « Ne rougis pas pour ta ruine? » À cette dure et insolente remontrance, l’évêque Basile répondit : « Si j’avais eu des juges civils, j’aurais combattu pour mon opinion jusqu’au martyre, et j’ai donné à Constantinople plus d’une preuve de ma fermeté; mais un fils jugé par son père ne se défend point, il se soumet et meurt, même avec le droit pour lui; j’ai failli !» À ce mot, les Orientaux s’écrièrent en masse : « Tous, tous, nous avons failli, tous nous demandons pardon. » Ce mot parcourut de rang en rang tout le côté gauche de l’assemblée; Thalassius, Eustathe et les autres répétèrent avec componction : « Nous avons tous péché, nous demandons tous merci. » C’était un spectacle attendrissant que de voir ces vieux évêques, les mains levées vers le ciel, implorant miséricorde pour leur faiblesse.

Lorsque l’on en vint à la profession de foi de Flavien au concile de Constantinople, l’assemblée en écouta la lecture avec un religieux silence. « Qu’en pensent les très révérends évêques? dit le magistrat qui présidait; Flavien exposant ainsi sa foi restait-il dans l’orthodoxie, ou en était-il sorti? Le concile actuel en jugera. — L’archevêque Flavien a exposé la foi saintement, complètement, catholiquement, dit le légat Paschasinus, puisque son exposition concorde avec la lettre de l’archevêque de Rome. — Cela étant, ajouta l’autre légat Lucentius, et les sentimens de Flavien, d’heureuse mémoire, concordant avec ceux du siège apostolique et la tradition des pères, il y a lieu au synode actuel de rétorquer contre les hérétiques qui l’ont condamné leur sentence de condamnation. » De toutes parts, des évêques importans déclarèrent la doctrine de Flavien orthodoxe; quelques-uns ajoutèrent, conforme à celle de Cyrille, et les Orientaux en masse s’écrièrent : « Le martyr Flavien a bien expliqué la foi. — Attendez, interrompit Dioscore, qu’on lise le reste de ses paroles, et je répondrai ; on verra qu’il se contredit