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soin de livrer aux postes prussiennes, qui aujourd’hui ne dissimulent pas le désir de s’en approprier le transit exclusif. » Consulté. sur cette proposition, le ministre des affaires étrangères, M. de Talleyrand, émit une opinion de tout point conforme à celle de M. de Lavalette. Il ajouta que le gouvernement français avait intérêt à traiter, avec un office général dans l’empire plutôt qu’avec les offices particuliers de chacun des princes qui composaient la confédération germanique. M. de Talleyrand s’attendait à rencontrer du côté de la Prusse une vive résistance ; mais il jugea qu’il y avait lieu d’entretenir officiellement de cette affaire le cabinet de Berlin. Comme on l’avait prévu, le roi de Prusse se montra fort éloigné d’accueillir la prétention du prince de La Tour et Taxis, et il répondit lui-même par un ordre émané de son cabinet à l’adresse de son ambassadeur à Paris : « Les postes impériales ne sont point encore abolies dans mes nouvelles provinces, non pas que sur la question même j’aie pu, être un seul moment indécis. L’inconvenance d’un établissement étranger dans le sein de mes états saute aux yeux et sous tous les points de vue, militaire, politique, de finances et de police, la sûreté, la dignité, l’ordre, me prescrivent la même mesure. Quand il s’agit de considérations aussi essentielles, le droit naît de besoin… » Sauf cette étrange doctrine sur l’origine du droit, doctrine qui s’est pieusement conservée en Prusse et dont notre génération a pu voir toutes les conséquences, il est juste de reconnaître que la prétention de Frédéric-Guillaume n’avait rien d’excessif. Un pays indépendant doit avoir sa poste et ne point la laisser à d’autres. Aussi le roi de Prusse, invoquant, outre son intérêt, le sens général du traité de Lunéville et l’opposant aux revendications particulières du prince de Taxis, se mit en mesure d’organiser un service de poste dans ses nouveaux états. Seulement le prince régnant de La Tour et Taxis étant son beau-frère, il voulut bien accorder une indemnité pécuniaire aux postes impériales qui se trouvaient ainsi dépossédées. L’affaire s’arrangea donc en famille par un acte du 1er novembre 1803. Dès cette époque, le cabinet de Berlin essaya de conclure une convention postale avec la France, mais les négociations échouèrent, et pendant toute la durée de l’empire l’office de Taxis, conserva notre clientèle pour le transit de nos dépêches à travers l’Allemagne.

En 1815, le congrès de Vienne reconnut le droit héréditaire du grand-maître des postes féodales, qui ramena ses courriers dans les pays que lui avait momentanément enlevés la conquête française. Alors que les princes allemands rentraient dans leurs états, le prince de Taxis obtenait, lui aussi la restauration de son vieux fief postal sur la rive gauche du Rhin. Bientôt cependant le