Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la société, les actes qui peuvent compromettre son existence; sauf certains cas fort rares, la poursuite des crimes publics était laissée à l’initiative d’accusateurs privés. Il en était de même dans le droit canonique, qui avait emprunté sa procédure au droit civil. Ici encore, Eusèbe de Dorylée se porta accusateur. Dans la première action, devant une cour de justice ecclésiastique présidée par des magistrats, il avait adressé sa requête à l’empereur, qui l’avait renvoyée au concile; dans celle-ci il saisit directement l’assemblée, parce qu’il s’agissait de la juridiction ecclésiastique pure. Sa requête contenait trois chefs principaux : 1° Eusèbe avait été injustement déposé; quoique relevé de sa déposition par le pape, il réclamait son rétablissement canonique dans l’église de Dorylée; 2° Dioscore ayant fait triompher à Éphèse l’hérésie d’Eutychès, Eusèbe demandait qu’il fût puni, pour l’exemple, des peines les plus graves des canons, et que la doctrine perverse d’Eutychès fût solennellement anathématisée; 3° enfin il émettait le vœu que les actes de la criminelle assemblée d’Éphèse fussent cassés, et l’assemblée rayée de la liste des conciles sous une déclaration d’indignité. On remarqua que la mise en accusation se bornait au seul Dioscore, et que ni Juvénal de Jérusalem, ni Thalassius de Césarée, ni les trois autres vice-présidens d’Éphèse ne s’y trouvaient compris. Eusèbe s’était aperçu sans doute que la conduite de ces cinq évêques à la séance du 8 octobre et leur désertion courageuse en face de Dioscore leur avaient gagné la sympathie de la majorité; or l’ancien avocat n’était pas homme à se fourvoyer dans une affaire dont le résultat pouvait être douteux.

Quand la requête eut été lue, Eusèbe se leva et dit : « Plaise au saint concile que mon adversaire soit appelé pour s’expliquer contradictoirement avec moi sur les choses dont je l’accuse. — Il l’a été, reprit l’archidiacre de Constantinople Aétius, qui faisait fonctions de promoteur et de primicier des notaires. Les diacres Domnus et Cyriacus l’ont invité, comme tous les évêques, à se rendre aujourd’hui dans la basilique de Sainte-Euphémie. Il a répondu qu’il s’y rendrait volontiers s’il était libre, mais qu’étant prisonnier du maître des offices, qui le faisait garder par des magistriens, il dépendait d’eux, et que probablement ceux-ci ne le laisseraient pas s’éloigner. — Voyons pourtant s’il ne serait pas aux environs de l’église,» dit le président Paschasinus, et il fit signe à deux prêtres d’aller s’en assurer. Ceux-ci sortirent, firent le tour de la basilique et rapportèrent qu’ils n’avaient vu personne. On résolut alors d’envoyer trois évêques lui porter la sommation du concile à son logis; ces trois évêques étaient accompagnés d’un notaire chargé de dresser le procès-verbal de l’entrevue. Dioscore les reçut comme il avait reçu la veille les envoyés du promoteur. « Je suis prisonnier, leur