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France 20 centimes, soit 5, centimes de moins que son tarif intérieur, et à l’Allemagne 18 centimes 3/4, soit 6 centimes 1/4 de plus que son tarif, qui est de 12 centimes 1/2. Ce rapprochement de chiffres montre que par l’effet de sa convention la France ne retrouvera pas dans les taxes stipulées le prix qu’elle est obligée d’appliquer aux lettres nationales, et que l’Allemagne, au contraire, en retirera une recette supérieure de moitié au produit de son tarif intérieur. Il y a là une première anomalie, et nous devons répéter ici que les négociateurs de la convention du 12 février ont complètement renversé la situation qui avait été adoptée dans les anciens traités, car ceux-ci attribuaient à la France les deux tiers ou les six dixièmes des taxes pour une partie des lettres franco-allemandes, et ces proportions nous faisaient bénéficier d’un port supérieur à notre propre tarif, qui n’était alors que de 20 centimes. C’est donc une double perte pour le trésor français.

A première vue, l’on serait disposé à penser que la France a tous les torts dans cette querelle de centimes, qu’elle doit porter la peine de ses exagérations fiscales, qu’elle ne saurait les imposer aux autres peuples, et que les Allemands sont très heureux de ne payer que 12 centimes 1/2 pour leurs lettres intérieures, les Anglais 10 centimes 1/4, les Américains des États-Unis 15 centimes, alors que les Français sont condamnés à payer 20 centimes et même aujourd’hui 25 centimes. Cette réflexion se présente naturellement à l’esprit. Elle se propage dans l’opinion publique ; elle inspire les appréciations trop sévères que nous portons parfois sur l’un de nos grands services administratifs, et, ce qui serait plus grave, elle tend à nous créer une situation désavantageuse, lorsque nous avons à traiter avec les offices étrangers. Il convient donc d’examiner si elle est fondée, de la contrôler à l’aide des faits, et de savoir décidément si, comme on paraît le supposer, la France persiste à méconnaître les principes économiques et financiers qui doivent régir un bon tarif postal.

Sous l’ancien régime, le transport des correspondances par des courriers plus ou moins réguliers était une attribution régalienne que les souverains exploitaient directement ou affermaient à des entrepreneurs, et qui était pour eux matière à revenu. Plus tard, il a continué à former un monopole d’état, non-seulement dans un intérêt politique et financier, mais encore dans l’intérêt du service postal, qui par son extension, par ses combinaisons multiples et par l’obligation de rayonner sur tous les points du territoire, c’est-à-dire de fonctionner très souvent à perte, échappait aux moyens d’action et aux spéculations habituelles de l’industrie particulière. Enfin, dans la dernière période, les gouvernemens et