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conseils-généraux d’émettre des vœux politiques : fort bien, mais qui empêche que, la séance une fois levée pour la forme, les conseillers-généraux réunis ne votent les adresses qu’ils voudront et ne fassent toutes les manifestations qui leur passeront dans l’esprit ? Une disposition de la loi, à laquelle le gouvernement a tenu d’une façon particulière, donne au pouvoir exécutif le droit de nommer les maires dans certaines villes ; soit, mais voilà le conseil municipal de Lyon présentant sa liste sans être consulté et déclarant avec arrogance que, si on ne choisit pas le maire parmi ses candidats, il se mettra en guerre ouverte avec l’administration. Or quel est ce conseil municipal ? C’est celui qui, depuis dix-huit mois, sous des noms différens, a gouverné Lyon, a jeté la confusion et le désordre dans tous les intérêts municipaux dont il avait la sauvegarde, et qui pour tout dire a mis la seconde ville de France dans une sorte d’état de banqueroute. Comment s’en tirera-t-on ? La question ne laisse pas d’être grave pour la grande ville, qui se trouve à la merci d’un radicalisme aussi présomptueux qu’ignorant, et pour le gouvernement, qui a un maire à nommer. Qu’on remarque bien seulement que ce conseil municipal, c’est ce personnel républicain que vante M. Gambetta. Si les vœux de l’ancien dictateur de Bordeaux étaient comblés, la France entière risquerait donc d’être représentée comme l’est la ville de Lyon ; les finances nationales seraient administrées comme le sont les finances lyonnaises. Ce serait l’idéal de la république selon M. Gambetta, — avec l’ordre dont il se fait le garant, et surtout avec la libération du territoire, qui s’ensuivrait bien vite, on le voit d’avance !

La France n’en est pas là heureusement. Tout ce qui touche aux grands intérêts publics reste sous la sauvegarde de l’assemblée et du gouvernement, qui sont, quant à eux, la vraie et légale expression du pays, qui le représentent dans ses besoins de sécurité, dans ses tendances, même dans ses contradictions si l’on veut. Qu’il y ait eu quelquefois entre eux, qu’il puisse y avoir des ombrages, des mésintelligences passagères, cela n’a rien de sérieusement inquiétant. Le malheur est que, lorsqu’il n’y en a pas, on se plaît à en créer ; on se querelle pour les petites choses lorsqu’on devrait rester unis par la grande et souveraine considération de l’œuvre à poursuivre en commun. Pour l’assemblée et le gouvernement, quand ils vont se retrouver ensemble, après ces vacances dont M. Thiers a profité pour faire à la ville de Paris la galanterie de quelques réceptions du soir, pour l’assemblée et le gouvernement, il reste assurément bien des choses à mener à bonne fin. Il y en a même de délicates et de pénibles, comme de surveiller l’exécution de ce malheureux traité de paix qui a détaché l’Alsace de la France, et que l’Allemagne ne se préoccupe pas d’adoucir. Les Alsaciens, on le croyait du moins d’après les conventions, avaient gardé le droit d’opter pour la nationalité française en demeurant dans leur pays. L’administration al-