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Bataille, résida encore moins que son père à Dijon, et eut encore moins de loisirs d’y laisser trace de son passage.

Mais si ces souvenirs de l’époque ducale sont peu nombreux, ils sont admirables, et l’on peut dire que, si Dijon doit à sa période parlementaire son air cossu, son aisance noble, toutes les choses d’usage ordinaire et de chaque jour qui font l’étoffe des villes bien conditionnées, comme elles font celles des existences heureuses, en revanche elle doit exclusivement à ses ducs ce qu’elle renferme de choses rares, curieuses, et qui se rapportent à l’éternelle beauté.


II. — LE PUITS DE MOÏSE. — LES TOMBEAUX DES DUCS.

Que les Valois ont été au XVIe siècle de fins dilettantes et d’intelligens protecteurs des arts, la chose est tellement évidente que tout le monde est d’accord à cet égard ; mais on se trompe singulièrement, à mon avis, en faisant commencer ces qualités brillantes à la branche d’Angoulême. Ces qualités, les Valois les eurent dès l’origine, même lorsqu’ils ne trouvèrent pas d’occasions de les appliquer, ou qu’ils ne se soucièrent pas en apparence des objets qu’elles poursuivent. J’entends par là qu’à trois exceptions près ils eurent tous la nature d’âme propre avant toute autre à enfanter des artistes ou à apprécier les voluptés qui nous viennent par le moyen de la beauté. Des trois grandes branches de la maison de France qui se sont succédé sur le trône, les Valois furent la plus aventureuse, on peut dire même la seule aventureuse. Ils n’eurent ni la patience, la lenteur calculée, l’admirable esprit de suite des Capétiens directs, ni l’habile, calme, invariable esprit de domination de la maison de Bourbon. Rois par saccades et soubresauts, et, dans les habitudes ordinaires de la vie, plus volontiers gentilshommes que rois, courageux au-delà de la témérité et irrésolus au-delà de la timidité la plus enfantine, capables de violences insensées et susceptibles de générosités imprudentes, ces princes semblent avoir été guidés dans leur conduite par la seule imagination. — Leurs actes, tout d’impulsion, sont comme les bonds d’âmes effarées, et portent la marque d’une nervosité extraordinaire ; quelques-uns rasent la frontière même de la folie, et l’on peut dire que l’insensé Charles VI fut en un certain sens l’expression parfaite des défauts constitutionnels de sa race, chez laquelle on sent, dès l’origine, quelque chose de déséquilibré. Est-il besoin de rappeler les folies de Philippe de Valois, les frénésies de Jean, les bizarreries secrètes de Louis XI, les mélancolies de Charles le Téméraire, les hallucinations chevaleresques de Charles VIII ? Des trois familles de nos princes, c’est celle à qui l’on peut le plus justement reprocher la cruauté, et cependant c’est celle où l’on rencontre la bonté la plus foncière ; mais