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sentimens de son rapport ; l’approbation du nonce indiquait suffisamment la nature de ces sentimens. Dans cette pièce encore inédite, l’Italie était sévèrement condamnée pour ses agissemens en septembre 1870 ; en outre le principe du pouvoir temporel était formulé sans ambages comme seule condition de l’indépendance du saint-père. Il est facile de comprendre la gravité d’un tel vote, s’il eût été obtenu de l’assemblée, surtout avec adhésion du gouvernement, dont on se flattait très haut dans le parti catholique. Par bonheur, l’espoir d’une pareille concession était une pure illusion ; la veille du jour où le rapport devait être discuté, l’ambassadeur près du roi d’Italie était nommé ; presque immédiatement il partait pour son poste. La discussion elle-même était ajournée ; quinze jours plus tard, le 15 mars, un vote de l’assemblée semblait l’écarter indéfiniment. L’évêque d’Orléans, absent au moment de cette décision, parut le lendemain à la tribune pour prendre au nom du parti catholique l’engagement de demander dans un bref délai une nouvelle fixation du débat. M. Dupanloup a cédé huit jours plus tard devant l’insistance de M. Thiers ; pour ne pas se rendre à l’appel du président de la république, il aurait fallu pousser jusqu’à l’insanité du fanatisme l’oubli des premiers intérêts du pays. Tout le monde sait quelles avances à l’heure même étaient faites à l’Italie ; il eût suffi de quelques paroles imprudentes pour tout compromettre. Les amis de l’évêque d’Orléans ont bien tort de chercher à l’excuser pour un acte de patriotisme si simple qu’il est à peine digne d’éloges. De leur côté, les ultramontains à outrance n’ont pas hésité à opposer évêque à évêque ; Mgr de Versailles a été chargé de rappeler aux catholiques de l’assemblée qu’ils font actuellement partie de son diocèse, et feraient bien de s’inspirer de ses lumières. Ce qu’il y a de plus grave, c’est que le mouvement ultramontain en dehors de l’assemblée, bien loin de se ralentir, s’est précipité. Une adresse de protestation contre le vote du 19 mars s’est couverte de signatures. Une espèce de congrès ultramontain a été tenu à Paris pour imprimer à cette agitation une impulsion vigoureuse[1]. On peut être assuré que le parti ne désarmera pas ; il savait bien qu’il ne réussirait pas du premier coup. Ce qu’il voulait par-dessus toute chose, c’était d’obtenir de l’assemblée un acte de foi catholique qui fût comme un jalon nouveau pour le rétablissement de la religion d’état. Faire acclamer le pouvoir temporel à Versailles lui paraissait presque aussi important que de le reconquérir à Rome. Bien loin d’être découragé par l’échec qu’il a subi, il va plus que jamais se servir de la question romaine pour soulever les passions à son profit. Il

  1. Au dernier moment, le projet vient d’être abandonné.