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dispositions de cette loi, qui viendra prochainement en discussion. Tout d’abord elle pose nettement le principe de l’instruction obligatoire, en lui donnant pour sanction des pénalités graduées, dont la plus grave est la privation pour l’illettré des droits électoraux. Elle n’en admet pas moins pour la mise en pratique de l’obligation des délais raisonnables qui ménagent la transition. La loi écarte la gratuité, elle se borne à l’assurer aux indigens. Bien loin de consacrer l’instruction laïque, elle laisse à chaque commune le droit de donner un préavis sur le genre d’enseignement qu’elle préfère, soit laïque, soit congréganiste, et cela non-seulement quand l’école devient vacante, mais encore à chaque renouvellement intégral du conseil municipal ; la décision est laissée au conseil départemental, sauf appel au conseil supérieur. L’enseignement religieux est maintenu sur le programme de toutes les écoles ; seulement la lettre d’obédience, tolérée jusqu’ici pour les religieuses, est déclarée insuffisante : toute institutrice congréganiste doit se pourvoir du brevet avant l’année 1876, à moins qu’elle n’ait quatre ans d’exercice à cette date. Enfin l’instituteur est nommé par l’inspecteur d’académie. La loi garantit la pleine liberté des écoles non communales, et restreint l’obligation à un minimum très raisonnable de connaissances. L’exposé des motifs est un commentaire de la loi et en démontre la nécessité. L’esprit de parti a voulu en faire un manifeste contre l’enseignement religieux ; dans le camp ultramontain, on ne pardonnait pas au ministre de parler de morale. Ce mot à lui tout seul est dénoncé, comme un blasphème ; on n’y veut voir que la morale indépendante, dont l’exposé ne dit mot, qu’il écarte au contraire en déclarant que l’instituteur aura pour mission d’enseigner aux enfans leur devoir envers Dieu.

La discussion des bureaux chargés de nommer la commission pour l’élaboration de la loi a vu se produire toutes les prétentions de l’ultramontanisme. C’est contre l’obligation que les protestations ont été surtout dirigées, au nom de la liberté de conscience. Les accusations d’irréligion et d’athéisme ont été prodiguées sans mesure à l’enseignement de l’état ; la prétention de soumettre les congréganistes, en fait de brevet, au régime de l’égalité, a été dénoncée comme un sacrilège. La commission nommée à la suite de cette discussion préliminaire est en très grande majorité ouvertement hostile à la loi. Réunie sous la présidence de M. Dupanloup, elle prépare un contre-projet qui débute par la suppression totale du principe de l’obligation.

Il nous faut suivre de près la campagne cléricale engagée contre la loi en dehors de l’assemblée. N’oublions pas que le projet du ministre n’est en réalité qu’une transaction. En maintenant