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le fonctionnarisme ecclésiastique fleurit à Berlin comme nulle part ailleurs. M. Dupanloup pourrait nous dire mieux que personne, lui qui s’est si noblement conduit pendant la guerre, ce que cet enseignement religieux donné d’office au nom de l’état a produit de vertus dans les armées allemandes, quel respect de la propriété privée et quelle bienveillance pour les faibles elles y ont appris ! La brochure de l’évêque a du reste joué de malheur, car elle venait à peine de paraître que M. de Bismarck faisait voter la loi qui rend à l’état l’inspection des écoles. Cette brusque transformation de la politique prussienne ôte beaucoup d’à-propos aux paroles suivantes : « Heureux clergé de Prusse, heureux clergé allemand ! On ne vous dispute pas à vous le droit d’enseigner la jeunesse et de vous mêler à tout ce qui se fait pour le peuple ! Vous n’êtes pas des étrangers dans l’école, et on laisse chez vous le Christ venir aux petits enfans. La France a là quarante mille de ses fils librement dévoués au bien, vivant pauvres dans tous ses villages, au sommet des montagnes, au fond des bois, fils et frères de ses paysans, prêts à leur parler de Dieu, du devoir, de la patrie. Ah ! de quel cœur nous nous livrerions à la grande tâche de l’éducation populaire ! Pauvres soldats suspects et désarmés, nous ne pouvons pas combattre, nous ne pouvons que crier : Voilà l’ennemi ! » On croit rêver en entendant ces plaintes. Le clergé français n’a-t-il pas toute liberté. comme les autres citoyens, pour fonder des écoles ? Chaque maison de ses paroisses ne lui est-elle pas ouverte ? Les enfans ne sont-ils pas conduits à ses catéchismes ? La loi proposée ne lui conserve-t-elle pas une part, trop considérable à notre sens, dans l’inspection et le gouvernement de l’instruction publique ? Prétendre que, quand il n’a pas tout, il n’a rien, c’est bien la coutume du parti clérical, mais il se fera difficilement passer pour un martyr dans un pays où il n’a encore que trop de privilèges. Il en est un qu’il défend avec acharnement, c’est celui de la lettre d’obédience pour les congréganistes. L’évêque d’Orléans s’est exprimé à ce sujet avec la plus grande énergie dans sa lettre à M. Gambetta, et M. l’évêque d’Angers a crié au scandale dès qu’il a été question d’imposer la condition du brevet à tous les instituteurs publics. Il nous est impossible de comprendre au nom de quel principe on réclame une aussi choquante inégalité en faveur des religieuses. Quand on invoque leur délicatesse offensée pour les soustraire au jury de l’état, on oublie que nos filles se soumettent à cet examen, et qu’elles ont appris dans nos maisons toutes les pudeurs de la femme aussi bien que dans un couvent. On vante la supériorité d’instruction des congréganistes ; rien ne leur est, plus facile que d’en fournir la preuve en prenant le brevet.