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tout était fini. Elle est remplie d’une satisfaction indicible. Joie en soit à votre excellence. » Ce n’était pas, on le pense bien, sans un violent dépit que les envieux de Dubois, qui se croyaient sûrs de vaincre, avaient essuyé cette déroute de leurs espérances. Forcé de signer la convention, après avoir tout fait pour la rendre impossible, ou de donner sa démission, le maréchal d’Huxelles signa, avec la conscience du déshonneur qu’il s’infligeait par cette triste faiblesse, qui ne sauva pas son portefeuille. Saint-Simon, son ennemi, a vivement conté les colères et les bravades de ce superbe personnage, ses déclarations « qu’il ne signerait jamais, qu’il se moquait de sa place, » le manège de ses faux-fuyans et le scandale de ses palinodies ; mais ce récit contient une singulière méprise. La scène est placée en 1717, après la triple alliance, dans une situation tranquille et qui ne pouvait point soulever d’orages, erreur d’autant plus étonnante que Saint-Simon a figuré comme témoin et comme acteur dans les agitations de 1718. Une lettre de Chavigny, datée du 13 juillet, nous donne le résumé d’une conversation de notre duc, et en quelque sorte sa première version sur l’événement : « M. de Saint-Simon m’a dit qu’il a été un de ceux qui ont le plus fait remarquer à son altesse royale combien sa réputation souffrait à tolérer le refus du maréchal d’Huxelles. Il m’a donc dit que son altesse royale lui avait fait donner l’option ou de signer ou de quitter sa place, en lui faisant ajouter qu’il n’y avait que trois choses qui pussent l’empêcher de signer : la première, ce serait de regarder le traité comme mauvais, ce qui ne pouvait être, puisque le maréchal avait toujours dit à son altesse royale que le traité était bon ; la deuxième, des engagemens avec l’Espagne, auquel cas il ne conviendrait pas à son altesse royale de se servir de lui ? la troisième, une jalousie de femmelette contre M. l’abbé Dubois, ce qui rendrait inexcusable le procédé de M. le maréchal. » L’inadvertance de l’auteur des mémoires sur un point qu’il avait parfaitement connu prouve une fois de plus combien ses souvenirs sont confus, et à quelle distance des faits il a composé ses récits.

L’heure de la récompense était venue pour le négociateur ; un succès si complet allait produire tous les fruits qu’en attendait son ambition. Stanhope avait pressé le régent de remplacer Huxelles par l’abbé Dubois ; c’est Chavigny qui nous l’apprend, et qui ajoute : « M. Stanhope songe aussi à vous faire cardinal. Son altesse royale lui a ouvert son cœur à votre égard avec toute l’affection, toute la tendresse et toute la confiance que vous pouvez désirer. » La lettre du régent, qui annonçait à Dubois les heureux résultats du voyage de Stanhope, se terminait par ces mots : « mon cher abbé, je vous attends avec impatience. » L’abbé ne laissa pas se refroidir ce bon