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égrènement du vitellus, véritable destruction de l’œuf, que va commencer le travail inverse, la construction de l’embryon : ces sphères, sortes de matériaux animés, se déplacent, sollicitées par des forces mystérieuses dont nous ne soupçonnons pas même la nature ; elles se disposent les unes à côté des autres, puis se soudent, et de nouveau reconstituent l’unité primitive de l’œuf, dans les premiers linéamens de l’être qui commence.

La découverte de la segmentation du vitellus, c’est ainsi qu’on appelle ce curieux phénomène, est due à MM. Prévost et Dumas (1823). Pendant vingt-cinq ans, cette activité propre de l’œuf, qui précède d’une manière si nette l’apparition de l’embryon, avait occupé les naturalistes et défrayé un nombre prodigieux de mémoires et de dissertations. Observée d’abord chez la grenouille, où l’on suit aisément avec le microscope toutes les phases de la division, elle fut retrouvée chez la plupart des animaux inférieurs ; mais on n’arrivait pas à l’apercevoir dans l’œuf des oiseaux, où le vitellus énorme semblait si bien se prêter à l’observation. On avait beau regarder, on ne voyait rien de pareil : bien certainement le jaune ne se séparait ni en deux ni en quatre. La segmentation restait un fait spécial, elle perdait la plus grande part de son importance du moment qu’elle n’était plus l’expression d’une loi constante. C’est alors que, plus heureux ou, pour nous servir de l’expression juste, plus habile que ses prédécesseurs, M. Coste démontra qu’il n’y avait pas d’exceptions, et que le fractionnement existe aussi dans l’œuf des oiseaux et des autres animaux à vitellus volumineux, où on n’avait pas su le constater, tels que les reptiles, les poissons de l’ordre des sélaciens (raies et requins) et les céphalopodes (seiche, poulpe, calmar). Seulement chez ces animaux, la segmentation, au lieu de porter sur le vitellus tout entier, est exclusivement limitée à cette tache blanche bien connue qui occupe un point de la surface du jaune, et que les anatomistes nomment la cicatricule. Celle-ci doit seule donner naissance à l’être nouveau, et seule elle se segmente ; le reste du globe vitellin ne servira qu’à nourrir l’embryon, formé primitivement aux dépens de la cicatricule. De là ressortait l’importante distinction de deux parts dans le vitellus, fort inégales selon les espèces : l’une qui subit la segmentation, qui deviendra l’embryon, et à laquelle on réserve le nom de germe ; l’autre, qui reste inerte, ne présente aucun fractionnement spontané, et ne doit jouer que le rôle d’aliment. Si le vitellus de la grenouille, des mammifères et de beaucoup d’animaux inférieurs se segmente en entier, c’est qu’il est appelé à former et non à nourrir l’embryon, qui puise dans le sein maternel ou dans l’eau, à travers les membranes perméables de l’œuf, les matériaux nécessaires à sa croissance. Chez