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Jacobi, communique au Magazin de Hanovre un travail que l’on voit figurer l’année suivante en français dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, rédigés jusqu’en 1804 dans cette langue. Jacobi avait tout vu et tout fait : fécondation artificielle de la truite et du saumon, transport du frai, nourriture de l’alevin. Son mémoire est complet, on ne sait rien de plus aujourd’hui ; ajoutons que Jacobi s’était vraisemblablement inspiré de l’abbé Spallanzani, qui le premier pratiqua la fécondation artificielle des œufs de grenouille dans un dessein purement spéculatif.

Comme toutes les grandes inventions, celle des procédés sur lesquels repose la pisciculture est donc impersonnelle : elle fut l’œuvre du temps et de tous ; mais ces traditions recueillies par des pêcheurs au fond de leurs vallées, ces doctes mémoires enfouis dans les recueils académiques, tout cela devait rester fatalement stérile, si l’attention publique ne s’en emparait. Il vint un jour où l’Europe s’en émut, et c’est la France, c’est Paris qui donna le signal. Des paysans avaient bien pu conserver ou retrouver ces pratiques, des savans avaient pu les formuler : M. Coste, tout en reconnaissant l’ingéniosité de ses obscurs précurseurs, tout en suivant Jacobi, rendit du moins l’incontestable service de répandre partout les traditions des uns, les préceptes du second, et de fixer d’une manière définitive l’attention du public sur les applications de l’embryogénie à l’industrie rurale. Il n’y avait pas certainement en France dix propriétaires d’eaux qui eussent la notion de ces choses ; aujourd’hui tous les savent, on peut dire que tous ont été mis à même de faire des essais plus ou moins prolongés.

Toutefois, pour étudier, pour généraliser les méthodes, pour épargner les essais inutiles ou coûteux, pour éclairer la production sur la valeur des tentatives à faire, des risques à courir, il fallait opérer en grand. De petites installations déjà établies à Beaux-les-Dames et dans ce massif qui des Vosges s’étend aux Cévennes étaient tout à fait insuffisantes : la création de l’établissement d’Huningue fut résolue (1852). Le choix de l’emplacement est des plus heureux, non loin du pays qui avait vu les essais de Rémy et de Génin, à portée des Vosges, de la Forêt-Noire et des lacs de la Suisse, d’où les œufs peuvent arriver sans difficulté. Dans l’établissement même, une savante distribution des eaux, empruntées soit au canal du Rhône au Rhin, soit à un ruisseau du voisinage, soit à des sources encloses, permet de parquer le frai et de nourrir l’alevin dans des rigoles disposées pour une constante surveillance. Un vaste hangar facilite les observations suivies, même par la saison la plus rigoureuse, à l’abri des intempéries.

Sans rechercher si l’établissement d’Huningue a réalisé les