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recherches de M. A. Moreau sur la formation et la nature des gaz de la vessie natatoire des poissons, celles de M. Legonis sur le pancréas des mêmes animaux, celles de M. Gerbe sur le développement des crustacés marins et en particulier de la langouste. Les voyageurs avaient depuis longtemps rapporté des mers lointaines certains animaux de forme étrange, plats comme une feuille, que l’on avait pour cela nommés phyllosomes, et dont les zoologistes avaient fait un ordre spécial parmi les crustacés. M. Gerbe démontra que ces êtres singuliers, péchés au large des côtes, n’étaient autres que des larves de langoustes, qui ressemblent fort peu à ce qu’elles deviendront ensuite, quand de la haute mer elles retourneront au rivage. A Concarneau seulement, M. Charles Robin put confirmer la belle découverte qui lui a ouvert les portes de l’Académie des Sciences. Il avait décrit un organe spécial qu’on trouve dans la queue des raies : une analogie de structure constatée au moyen du microscope le conduisit à rapprocher cet organe de l’appareil électrique des torpilles ; mais ce n’était qu’une présomption. La preuve physiologique, indispensable, manquait encore : il était malaisé d’observer les raies vivantes ; on les pêche au large, et, comme beaucoup de poissons, elles meurent presque aussitôt qu’on les sort de l’eau. Il ne fut pas difficile de réunir dans les viviers un nombre suffisant de raies des plus grosses qu’on put pêcher, et de les faire passer des bassins, sans perdre un instant, sur la table d’expériences. C’est ainsi que l’éminent professeur put démontrer la réalité d’une fonction qu’il avait pressentie quinze ans auparavant en disséquant les raies mortes de la halle de Paris. L’établissement de Concarneau n’a pas été moins apprécié des étrangers : un des zoologistes les plus marquans de l’Europe, M. Van Bénéden, professeur à l’université de Louvain, et son fils, professeur à l’université de Liège, sont venus tous deux y recueillir les animaux inférieurs qui vivent en parasites sur les poissons. Enfin c’est là qu’ont été suivies les recherches faites dans ces derniers temps sur les changemens de coloration des animaux[1].

L’Association britannique pour l’avancement des sciences, dans sa dernière réunion annuelle, a décidé qu’elle consacrerait une partie de ses richesses, aujourd’hui considérables, à créer sur différens points des côtes d’Angleterre et dans la Méditerranée, en attendant qu’elle étende son action plus loin, des stations zoologiques, c’est-à-dire des établissemens où les naturalistes, les physiologistes, les anatomistes, iront étudier commodément le monde de la mer, où ils trouveront un local disposé pour les recevoir avec les

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1872.