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prendre tout l’exercice possible. A Fou-tchéou par exemple, la seule promenade des étrangers est un sentier tortueux qui serpente à travers des tombeaux. On a tenté, mais sans succès, d’y établir une route convenable. Les concessions occupent généralement des terrains plats, situés sur le bord de l’eau ; en été, l’air y est accablant et humide, et l’Européen demanderait vainement la permission de construire à quelques lieues plus loin une maison de campagne. Nous avons vu, il y a deux ans dans les environs de Fou-tchéou, les Anglais réduits à canonner un village pour obtenir de ses habitans qu’ils ne vinssent pas démolir un sanitarium que voulaient bâtir près de la mer des missionnaires protestans.

Il n’est pas d’ailleurs indispensable, pour alimenter le marché des importations et des exportations, que les étrangers aillent s’enfoncer dans les provinces ; il suffit d’entrepôts bien situés, sur le bord de la mer ou sur les rives des fleuves, d’où les courtiers indigènes transportent dans l’intérieur les articles étrangers, et où ils amènent aux Occidentaux le thé et la soie. Assurément le séjour des Européens dans l’intérieur permettrait d’étaler aux yeux des Chinois des échantillons de marchandises nouvelles, des procédés industriels de tissage, de labourage, qui serviraient graduellement à multiplier les échanges ; mais le présent est assez beau, la moisson est trop facile pour que l’Angleterre ne s’en contente pas. C’est elle qui absorbe les cinq sixièmes du commerce étranger, dont le chiffre monte à plus de 1 milliard 100 millions de francs par année. Il lui est facile de protéger ses négocians, réunis dans une quinzaine de ports, et elle ne désire pas s’imposer la tâche de les surveiller par toute la Chine. Elle laissera sans doute le temps créer des relations plus intimes entre ses nationaux et les Chinois. Ceux-ci arriveront à perdre de leurs préventions et de leurs craintes ; l’étude des langues européennes, qui commence à entrer dans l’éducation de la jeunesse, y contribuera certainement ; des voies de communication rapides rapprocheront quelque jour des ports les marchés de l’intérieur : c’est là une spéculation a échéance plus ou moins longue.

Quant au télégraphe, nous avons des raisons de croire que la Chine est sur le point d’en adopter l’introduction ; les négocians indigènes, les mandarins même, se servent largement des lignes télégraphiques sous-marines qui fonctionnent déjà le long des côtes, et qui auront relié dans quelques mois tous les ports ouverts à la résidence des étrangers. L’établissement de ces lignes ne date que de l’année dernière, et déjà le gouvernement étudie l’installation de lignes intérieures qui desserviraient les provinces. Nous croyons aussi à la construction de voies ferrées malgré les refus persistans que le gouvernement chinois oppose depuis dix ans aux efforts