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Édimbourg la petite Picardie ; mais ces calvinistes français étaient en grande vénération, les presbytériens tenaient d’eux leur liturgie. Trois ans après la révocation de l’édit de Nantes, la révolution de 1688 était accomplie.

Soit qu’il parût aux Anglais qu’ils avaient assez fait pour l’union, soit qu’en matière d’argent ils fussent moins accommodans, les concessions firent place aux exigences. Sous les Stuarts, le danger commun avait rapproché les deux peuples ; sous les dynasties d’Orange et de Hanovre, les intérêts les divisèrent. Les Écossais avaient appris à leurs dépens qu’ils n’étaient pas les égaux des Anglais, quand il s’agissait de la protection de leur commerce. Leur établissement de l’isthme de Darien ou de Panama succomba faute de secours de la part de la marine, et dans sa chute il entraîna presque toutes les fortunes écossaises. À partir de ce jour, les Anglais n’employèrent contre leurs voisins que la force militaire et les taxes. L’union des deux parlemens en un seul, au grand détriment de l’Écosse et surtout de son aristocratie, ne fut obtenue que par la vénalité. L’heureuse fortune des armes anglaises sur le continent fut aussi de quelque poids dans la décision. John Bull sentait sa force et l’exerçait sans scrupule ; sa sœur, Margaret, subissait en grondant sa condition nouvelle. De là les émeutes d’Édimbourg, l’agitation dans les clans montagnards, les insurrections dans les comtés du nord, les expéditions des prétendans. Les Stuarts ne comptaient plus un grand nombre de partisans, et les partis ne se liguaient contre l’Angleterre que dans les occasions où la dignité du pays ou ses intérêts étaient compromis. Lorsque le parlement anglais, éclairé par les événemens, revint à une politique plus juste et plus sage, les vieux griefs furent oubliés ; l’Écosse, enrichie, ne songea plus à regretter l’union.

M. Burton avait commencé l’histoire d’Écosse par la dernière période, celle qui va de 1688 à 1744 ; comme s’il s’était proposé de prouver que cette histoire avait encore tout son intérêt malgré l’union des deux royaumes. Aujourd’hui son livre est complet : il commence aux sources de la nationalité écossaise et finit avec elle. Sept volumes contiennent la période qui s’étend depuis les origines jusqu’en 1688 ; le reste compose les deux volumes de son ouvrage primitif. Si M. Burton donne un jour une édition nouvelle de cette dernière partie, il développera sans doute les chapitres relatifs à la civilisation écossaise, qui ne répondent pas à l’importance des chapitres analogues dans les volumes précédens. Dès aujourd’hui pourtant l’Écosse possède une histoire complète et populaire qui n’a qu’un petit nombre de rivales dans les autres pays d’Europe et qui certainement remplace toutes celles qu’elle avait déjà, y compris celles de Robertson, de Walter Scott et de Tytler.


L. ETIENNE.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.